KTERISMA by Emmanouil Chousakos

Par Jade Cuttle

INTERVIEW // KTERISMA est une sculpture à mi-chemin entre le vase et le meuble réalisée par Emmanouil Chousakos, questionnant la relation entre matériau et forme qui domine inconsciemment la perception esthétique. Sous le spectre de l’histoire et de juxtapositions symboliques, c’est une création qui teste les limites de cette connexion. 

  • Le choix de « KTERISMA » comme titre porte-t-il sur une valeur symbolique particulière ?

Emmanouil Chousakos : « KTERISMA » est un objet de valeur ou un objet personnel, placé à côté des cadavres dans les tombes à l’époque de l’Antiquité. Une sorte d’amulette funéraire pour les Grecs.

  • La construction esthétique du marbre découpé au laser, les jeux de miroirs ou encore l’assemblage de tuyaux en métal présents dans ton œuvre est caractérisée par une angularité évidente. Comment celle-ci contribue-t-elle à la construction et à la communication de ta vision artistique ?

Emmanouil Chousakos : Je voulais créer une pièce pleine de contradictions. Habituellement, le marbre est perçu comme un matériau complètement solide et résistant. À travers mon design et les techniques de fabrication, le marbre se transforme en quelque chose de plus fluide, de plus flexible, questionnant ainsi la perception établie de l’utilisation, de la fonction et de la création en général. De plus, le marbre représente pour moi un élément très masculin. KTERISMA est un vase, considéré par beaucoup comme un objet féminin, et qui est d’ailleurs souvent designé en rondeur, avec des formes souples et « fertiles » ; cette fois, c’est l’aspect angulaire mais aérien qui est privilégié. Seconde contradiction. 

  • Ces contradictions permettent-elles de libérer le matériau de la forme, et la forme du matériau ?

Emmanouil Chousakos : C’est davantage une manière de montrer comment les nouvelles technologies qui se développent sont sur le point de dévoiler une révolution esthétique, sociale et anthropologique. L’idée établie que l’on se fait du matériau changera dramatiquement, et modifiera dans cette logique notre perception traditionnelle des formes. Par exemple, un vase ne doit pas être nécessairement de forme arrondie et une table avoir l’air d’être équilibrée pour être des éléments forts.

  • KTERISMA suggère donc que la perception repose trop sur les associations pré-établies ; cette dernière doit-elle être libérée ?

Emmanouil Chousakos : Oui, exactement ! KTERISMA est juste un appel à regarder les objets au-delà de leur fonction et de leur forme, et spécialement à une époque où même les idées les plus folles sont réalisables. Au moins, cela est parfois amusant, ouvert d’esprit et stimulant de libérer sa perception de l’association, non ? Et occasionnellement, cela peut être la base d’une authentique création artistique.

  • Il y a une idée de stérilisation dans cette découpe précise, presque clinique, du marbre blanc qui est juxtaposée au concept de KTERISMA et sa connotation de décadence. Est-ce une perception libre de l’association aussi ?

Emmanouil Chousakos : C’est plutôt un écho à la charge historique du matériau et des fonctions de l’objet. Un rappel que, parfois, les objets sont plus vivants plus que nous. L’inspiration me vient comme une série de sculptures que j’appelle « séries de temples-paysages ». KTERISMA arrive comme un besoin d’exploration plus aboutie autour du marbre. Concernant mes futurs projets, je m’oriente en ce moment vers le concept du corps humain et de la science. //


Emmanouil Chousakos // www.xoys.org



ENGLISH VERSION

INTERVIEW // KTERISMA is a vase-sculpture-table piece by Emmanouil Chousakos investigating the connection between material and form that unconsciously dominates our aesthetical perception, particularly under the spectrum of history and symbolic juxtapositions, while testing the limits of this connection.

  • Does « KTERISMA » as a title sign a particular symbolic value ?

Emmanouil Chousakos : « KTERISMA » is an object of value or personal item placed next to the dead body inside the tomb during the period of Antiquity. A sort of funeral amulet for the Greeks.

  • The aesthetic construction of the laser-cut marble, the mirrors and metal pipework is characterised by a striking angularity. How does this angularity contribute to the construction and communication of your artistic vision ?

Emmanouil Chousakos : I wanted to create a piece of contradiction. In our common perception, marble as a material is something utterly solid and strong. Through my design and the manufacturing techniques marble transforms into a more fluid, more flexible material, questioning our established perception of use, function and creation in general. What is more, in my mind marble represents a very masculine element. KTERISMA is a vase, considered by many to be a very feminine object, always designed in more feminine, round, “fertile” forms, but designed this time using a masculine material and in a masculine, angular yet aerial form. Second contradiction.

  • Do these contradictions serve to liberate material from form, and form from material ?

Emmanouil Chousakos : It is more about how new technologies in making are about to fire an aesthetical, social, anthropological revolution. The established idea and common use of the material will change dramatically, thus changing our perception of typical forms as well. For instance, a vase should not necessarily be round shaped and a table doesn’t have to look balanced in order to be strong.

  • Does KTERISMA thus suggest that perception relies too much on pre-established associations, and that perception should be liberated ?

Emmanouil Chousakos : Yes, exactly ! KTERISMA is just a call to see objects beyond their function and form especially in an era where even the most crazily ambitious ideas can be realised. At least it is sometimes funny, mind-opening and challenging to liberate your perception from association, isn’t it? And occasionally it can be the fundament of purely genuine artistic creation.

  • There is a sense of sterilisation in the clean-cut, almost clinical white marble which is juxtaposed with the concept of KTERISMA and its connotations of decay. Is this liberating perception from association too ?

Emmanouil Chousakos : This is more of a connotation to the historical background of the material and of the function of this sort of object. Plus a reminder that sometimes objects live more than us. The inspiration came as a continuation of a series of sculptures I created, as I call them a series of landscape temples. KTERISMA came as a need for further investigation around marble. As far as future plans are concerned I am contemplating the concept of human body and science. //

KTERISMA by Emmanouil Chousakos