Géographie dans l’art : utopies et reliefs

Par Camille Tallent

DOSSIER // Les notions de géographie et de territoire sont au cœur des problématiques d’artistes et investissent nombre d’expositions. De Pablo Garcia à l’installation Exit du Palais de Tokyo, focus sur une cartographie de quelques pratiques contemporaines qui s’appuient sur l’immatérialité de l’espace et du temps pour définir une nouvelle topographie de l’art.

« Arpenter la route des utopies »

À la Galerie Sator, les murs offrent le spectacle graphique de paysages aux retranscriptions variées. Regroupés dans l’exposition Les Glaneurs de Rêves, les œuvres de Jean-Marc Cerino et de Pablo Garcia instaurent un dialogue autour des deux guerres mondiales. À travers différents jeux de perspective, Pablo Garcia construit la cartographie d’un paysage qui se veut le témoin d’un lieu ou d’un événement. Une grande fresque et plusieurs panneaux de bois nous offrent le panorama coloré de relevés topographiques de lieux emblématiques chargés d’histoire, en l’occurrence Craonne. Il construit des paysages stratifiés en jouant avec l’ambiguïté de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. Les trous d’obus et les plans rapprochés de tranchées deviennent des espaces immenses.

À la manière de Pablo Garcia, certains artistes contemporains se sont appropriés ces problé-matiques géographiques pour livrer leur(s) interprétation(s) d’un monde fantasmé. On peut déjà évoquer la fréquente influence du film Stalker (1979) de Tarkovski dans l’approche in situ (l’expérience du lieu et sa découverte) de certains artistes. Ainsi, Elsa Leydier confronte les données chiffrées (cartes, relevés topographiques, etc) d’Arles avec sa réalité physique en errant dans la ville.

Chez les autres

Si l’errance n’est pas systématiquement retranscrite, certains artistes s’approprient le territoire en lui imposant une matérialité inattendue. Les installations de Vincent Mauger (Super Asymmetry) utilisent des matériaux qui confèrent au paysage une identité propre. L’artiste vient poser un parterre de briques qu’il évide afin de créer la perspective d’un canyon miniature. La représentation du paysage, qui par définition ne peut être embrassé du regard dans sa globalité, est un thème de réflexion récurent. Chez David Renaud, cette restitution passe par un jeu d’échelle que l’œuvre stratifiée Mont Everest, conçut comme une maquette, traduit bien. L’œuvre Snow Mountain Sunrise de Hsia-Fei Chang témoigne quant à elle de ce désir de représentation : schématiser la forme d’une montagne en néon afin d’en définir la physicalité en un seul trait.

Une réalité matérialisable

On ne peut faire fonctionner ces œuvres qu’en écho des réalités et des actualités auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. La notion de frontière géographique est de plus en plus difficile à définir et donc à matérialiser. Le monde n’a pas été scindé que par ses frontières naturelles ; les traversées périlleuses de réfugiés, les espaces chargés d’Histoire (à l’instar des plages du Débarquement) sont des événements qui nous renvoient à ces questions de définition du territoire. L’installation Exit — présentée au Palais de Tokyo jusqu’au 10 janvier 2016 — exprime cette tendance : « composée d’un ensemble de cartes animées générées à partir de données statistiques portant sur les mouvements de population dans le monde et leurs principales causes », l’œuvre a été réalisée par un ensemble d’artistes, architectes, statisticiens, géographes et scientifiques. Tant de ressources et de scénarios qui se retrouvent au cœur des problématiques d’artistes dont les œuvres questionnent la géographie du monde qui nous entoure. //


Exposition Les Glaneurs de Rêves // Jusqu’au 9 janvier 2016 at Galerie Sator
8 passage des Gravilliers 75003 Paris
www.galeriesator.com


Géographie dans l’art : utopies et reliefs
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