Mara Fortunatović, une apologie du blanc

 

Par Laëtitia Toulout

EXPOSITION // L’exposition Les Possédés à la Friche la Belle de Mai (Marseille) invite, jusqu’au 31 juillet, un grand nombre d’œuvres sorties des collections du Sud. Au milieu de grands noms et d’artistes majoritairement masculins, une jeune femme déroule la finesse de deux de ses pièces : Mara Fortunatović, diplômée des Beaux arts de Paris en 2013. Elle propose une œuvre dont la simplicité et la délicatesse invitent le regard à s’y poser de plus près.

© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

Symbole de pureté et non-couleur qui additionne toutes les autres dans la formation du spectre lumineux, le blanc, qui couvre par ailleurs la monochromie de l’œuvre de Mara Fortunatović, ne s’imprègne pas de la lumière, mais la réfléchit, la rejette vers l’extérieur. C’est un premier dialogue avec le regard. Ce n’est pas un hasard si le white cube a été défini comme espace de monstration idéal de l’art, relevant tout autant « de la sacralité de l’église, du formalisme de la salle d’audience, de la mystique du laboratoire expérimental » et produisant « une chambre d’esthétique », « espace sans ombre, blanc, propre, artificiel (…) » ; un espace dans lequel « les yeux et l’esprit sont les bienvenus » mais où « on se prend à penser que les corps ne le sont pas »¹. Les œuvres de Mara Fortunatović font écho à leurs environnements tout en réinsérant la possibilité des corps, masses mouvantes indissociables du regard et de la réflexion à suivre dans ces espaces.

Car les pièces de l’artiste parisienne proposent d’elles-mêmes, et sans paraître le dire, un jeu avec leurs spectateurs. La pureté des nuances de blanc n’invite qu’à y mieux regarder, à mieux s’y pencher. Nous regardons, nous nous approchons, essayant de percer l’imperceptible de ces immaculés. Sans le savoir, nous voilà pris au piège, nous participons à l’œuvre, nous y sommes de toute pièce intégré. Le jeu est alors d’affûter nos sens pour mieux appréhender ce qui s’offre à nous.

Plus encore, si le blanc est si prégnant, ce n’est que pour mieux s’effacer au profit de formes qui resplendissent de son éclat. Le blanc ne réfléchit pas seulement la lumière, mais aussi les formes qu’il embrasse : celles-ci, élégantes et sculpturales, sont figées dans leurs angles et courbes. Les formes, immobilisées dans les matériaux rigides — bois, aluminium — dont elles sont construites, paraissent se soustraire au temps, se situant à l’écart même de cette question. Spirales et trous jouent avec la dualité intérieur/extérieur, et tentent d’enclore nos perceptions. La sobriété des œuvres de Mara Fortunatović finit par nous attraper. //

¹ Brian O’ Doherty, White Cube. L’espace de la galerie et son idéologie. Page 36. JRP Ringier, Lectures Maison Rouge, 2008.

Mara Fortunatović //
Exposition Les Possédés jusqu’au 31 juillet 2016 at La Friche de Belle Mai
41 rue Jobin 13003 Marseille
www.marafortunatovic.com


© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d'atelier / Courtesy of the artist

© Mara Fortunatović, vue d’atelier / Courtesy of the artist

 
Mara Fortunatović, une apologie du blanc