Daiga Grantina, un ballet des contraires

Par Laëtitia Toulout

EXPOSITION // Jusqu’en septembre, Daiga Grantina occupe l’espace du « Païpe » au Palais de Tokyo avec Toll. Une installation aux proportions d’exposition, distordant la matière au profit d’un rêve organique.

La déambulation logique du Palais de Tokyo oblige le public à appréhender l’exposition Toll de Daiga Grantina, en premier lieu, sous la forme d’un panorama qui rétrécit. Panorama qui s’affine et se précise au fur et à mesure de l’avancement dans le hall, pas à pas, jusqu’au face à face et à l’immersion totale dans l’œuvre. L’installation de l’artiste parisienne (née en 1985 à Riga) est en effet un véritable tableau dans lequel on peut circuler ; on gravit les marches du cadre pour ainsi contourner les œuvres qui le constituent. En approchant, en y plongeant, on peut alors appréhender chaque pièce en tant qu’entité distincte de l’installation globale initialement vue et vécu. Ce tout, ce tableau, est celui d’un corps disséqué et décharné, dont les pièces séparées évoquent tour à tour un cœur, un bourgeon, un poumon, un corail, un souffle. L’installation est de fibre organique, chaque pièce pouvant être la partie d’un corps littéral et primaire, de faune comme de flore.

Un corps quelque peu futuriste, tout en plastique, boursouflé sur lui-même, décomposé, purifié puis agrémenté ou reconstruit. Le PVC qui prévaut n’a rien de naturel, de même que la disposition de ces pièces rangées sur des socles géométriques et leur environnement « white-cubesque » qui a davantage attrait à un laboratoire qu’à une jungle lubrique. Les formes, enchevêtrées, sont à la fois solides et liquides, voire vaporeuses. Elles centralisent les possibilités organiques et environnementales sans foi ni loi, sans queue ni tête, sans but ; si ce n’est leur imposante présence. Fines et lourdes, à la fois souffles et squelettes, il pourrait manquer leur seul rassemblement pour insuffler la vie, finaliser l’incomplet.

Cette impression d’énergie vitale prévaut grâce à des flux de lumière qui caressent et circulent au travers des matières. Celles-ci, légères et souples, ou bien dures et glissantes, induisent des sensations de fausses respirations, glissements, palpitations, floraisons. Organiques et pourtant si froides, au sein d’un ballet des contraires, les énigmatiques sculptures de Daiga Grantina aguichent en tout cas le regard, provoquent la rêverie. « Toll », en allemand, signifie à la fois « fou » et « épatant » ;  la folie insuffle la vie, la vie promet la folie, ou vice versa, dans un tableau plastique, un laboratoire artistique, une histoire de science-fiction, un monde à part entière. //


Exposition Toll by Daiga Grantina
Jusqu’au 9 septembre 2018 at Palais de Tokyo
13 avenue du Président Wilson 75116 Paris
www.palaisdetokyo.com


Vue de l’exposition de Daiga Grantina, Toll, Palais de Tokyo / Courtesy de l’artiste & Galerie Joseph Tang, Paris. Photo : André Morin

Daiga Grantina, un ballet des contraires