On a aimé : Gwendoline Perrigueux à la galerie Eric Mouchet

Par Henri Guette

EXPOSITION // Des lanières de cuir, de la fourrure en cascade et du velours par touche : avec Velvet Lashes, Gwendoline Perrigueux sort le grand jeu des matières. Une ode au plaisir à expérimenter et à pénétrer, dans l’espace de la galerie Eric Mouchet.

Un éclat de rire retentit au fond de la salle, il revient en boucle imprévisible et espiègle. Gwendoline Perrigueux s’amuse et nous entraîne de la même façon qu’une maîtresse de cérémonie. Il reste dans la salle le souvenir d’une performance qui pourrait être réactivée à tout moment : deux costumes glissés contre le mur, comme des mues oubliées. Des oeillets dans le néoprène dessinent une ouverture, comme un motif omniprésent au sein de l’exposition qui laisserait tantôt voir les murs et tantôt la peau. La combinaison des performeurs est perforéz de cercles de nudité sur laquelle l’artiste vient placer des cocktails de champagne en gelée que les invités sont invités à gober un par un après avoir été choisis. Le cérémonial de l’offrande instaure un type de sociabilité particulier et une relation à l’autre plus précautionneuse, comme si nous étions dans un boudoir et qu’il fallait réapprendre l’usage du monde par le corps.

Gwendoline Perrigueux privilégie à l’approche théorique, l’expérience sensible de l’événement : comment nous nous rassemblons, comment nous faisons corps. Après s’être intéressée à l’idée même de fête au travers de différentes installations et expositions comme Pousses d’été ou Cream corn, elle semble à présent poser plus largement la question du plaisir, y compris sexuel. Le visiteur se déplace comme dans une attente : une vidéo se déroule devant un réceptacle vide, une bande sonore résonne dans l’espace et différents textiles aux allures de vêtements pendus sur cintre semblent attendre qu’on s’en saisisse. La tension théâtrale, cette tension de ce qui pourrait advenir, apparaît dans le travail de l’artiste d’une façon nouvelle : nous ne sommes plus immergés dans le décor de ce qui a été une fête, dans des strates de confettis ou dans les vestiges d’une soirée arrosée mais à l’aube de la jouissance. L’explosion en boucle de boules de confettis en vidéo ne nous renvoie pas à la mélancolie d’un moment qui disparaît, mais à un cycle qui interroge notre rapport au présent et a trait à l’éveil des sens.

Comme une manière de recycler ses propres pièces et d’alimenter son travail, l’artiste a conçu un papier à partir des fibres des confettis d’une fin de soirée et de morceaux de verre lui donnant la texture d’une peau et un aspect vaguement scintillant. Il ne faut pas craindre de s’approcher des pièces pour mieux les saisir, appréhender les contrastes de la matière, par exemple entre le froid de l’acier et la chaleur de la couleur chair, ou encore entre la rigidité du métal et la souplesse des élastomères. Les couleurs pastel qu’utilise Gwendoline Perrigueux nous maintiennent dans une intimité pleine de fantasmes où se rejoue le drame du désir et du regard. Les ombres soulignent les formes humaines de certaines sculptures ; torses, dos ou encore bras et jambes comme un corps éclaté. Nous nous fixons à des détails, des sensations, comme à des fétiches et cette cristallisation un brin surréaliste nous pousse à regarder Velvet Lashes à deux fois. Des cils de velours, un doux coup de fouet, l’ambivalence des mots et des associations de matières fait voir trouble. //


Exposition Velvet Lashes by Gwendoline Perrigueux
jusqu’au 9 mars 2019 at galerie Eric Mouchet
45 rue Jacob 75006 Paris
www.ericmouchet.com


Vue de l’exposition Velvet Lashes by Gwendoline Perrigeux, galerie Eric Mouchet / Photo © William Gaye

Gwendoline Perrigueux, Pearly white to pale pink, 2019

Gwendoline Perrigueux, Fluffy, hot and pink, 2018

Gwendoline Perrigueux, Livide et luisante, 2018 Silicone, œillets et cordons

Gwendoline Perrigueux, Stretchable: Jem, 2019

Gwendoline Perrigueux, Sous ta peau, 2019

Gwendoline Perrigueux, Jelly fizz, 2019

Gwendoline Perrigueux, Jelly fizz, 2019

 

 

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