En images : Yasmina Benabderrahmane au BAL

Photos © Marc Domage
Texte : Adrien Genoudet

C’est une histoire entre deux rives, celle du Maroc d’hier où les matières sont à ras de la terre et des corps, et celle d’aujourd’hui, entre béton et rocailles. Depuis 2012, Yasmina Benabderrahmane traverse les dunes et les plaines de son pays d’origine qu’elle tente d’apprivoiser par l’image, après quatorze ans d’absence.

Dans la vallée du Bouregreg, un nouveau centre culturel, théâtre et musée archéologique, chantier pharaonique du roi, semble une bête couchée, figure d’une modernité en cours qui ronge le paysage et change, peu à peu, la physionomie d’un pays ancestral. La « Bête » ne dort pas, elle gonfle, ronfle et s’installe, grossit de jours en jours et impose son architecture aux allures de carapace. Plus loin, sur les pentes désertiques, calleuses, pelées de l’Atlas sommeillent des villages pavés de temps mort, de traditions que l’on se passe de mains en mains, et où on peut encore entendre la voix adoucie du bouche à oreille et des contes qui rassemblent les familles le jour de l’Aïd.

Yasmina Benabderrahmane nous invite à suivre le chemin qui serpente entre ces deux mondes. Son travail est habité par son histoire familiale, entre métaphore et fragments bruts. Il y a l’Oncle, d’abord, géologue, responsable de la « Bête »  de la vallée de Bouregreg, garant des sols et de la mémoire, et il y a la Grand-mère, un peu plus loin, à Chichaoua, qui boucle le temps et tresse les coutumes, entre henné et viscères.

De ces espaces et de ces corps familiers où se joue l’histoire contrariée du Maroc contemporain, Yasmina Benabderrahmane cherche à s’approcher du détail et des matières, des mains qui façonnent, qui agissent ou reproduisent, au fil des âges, les mêmes gestes. Dans les soubresauts saccadés de la pellicule, l’œuvre de Yasmina Benabderrahmane nous invite à une histoire marocaine minérale et instinctive, où les pierres dégoulinent et le sang caille, et où le regard de l’artiste se pose sur l’intimité du temps qui gît, passe et se retourne. //


Exposition La Bête, un conte moderne de Yasmina Benabderrahmane
Jusqu’au 12 avril 2020 at LE BAL
6 impasse de la Défense 75018 Paris
www.le-bal.fr


Vue de l’exposition La Bête, un conte moderne de Yasmina Benabderrahmane, 2020 at LE BAL © Marc Domage

Yasmina Benabderrahmane, Khôl, courtesy de l’artiste et du BAL © ADAGP, Paris, 2020

Vue de l’exposition La Bête, un conte moderne de Yasmina Benabderrahmane, 2020 at LE BAL © Marc Domage

Yasmina Benabderrahmane, Pneuma, courtesy de l’artiste et du BAL © ADAGP, Paris, 2020

Yasmina Benabderrahmane, Danse, courtesy de l’artiste et du BAL © ADAGP, Paris, 2020

En images : Yasmina Benabderrahmane au BAL