Par Camille Tallent
EXPOSITION // L’expressionnisme dystopique qu’Adrian Ghenie (né en 1977 en Roumanie) développe dans ses peintures est d’autant plus évoquant qu’il est défini par la violence gestuelle et chromatique de la matière.
Les toiles présentées à la galerie Thaddaeus Ropac-Marais, essentiellement axées autour de la notion du « moi », sont les marques d’une peinture à la narration forte et à la figuration ambiguë. La figure de l’artiste lui-même est explicitée dans certains titres (Self-Portrait as Monkey, Self-Portrait Smoking, Self-Portrait as Vincent van Gogh, notamment) et les compositions délivrent des personnages esseulés ou des portraits. La posture sculpturale de l’homme au visage écorché (qui n’est pas sans évoquer les peintures de Francis Bacon) de Self-Portrait Smoking renvoie le spectateur au centre de la toile malgré l’égarement que l’abstraction lyrique du décor impose.
Si ici Adrian Ghenie est le principal sujet de ces toiles, son œuvre est animée par une réflexion sur « les souvenirs personnels ou collectifs, les scènes de films, les images glanées sur internet et les renvois à l’histoire de l’art »¹. Animé par le désir de « peindre le grain de l’histoire », l’artiste délivre à la galerie Thaddaeus Ropac un monde en perpétuelle construction où portraits et figures sont les résultats hybrides d’une composition contrastée et stratifiée.
Pour le spectateur qui est confronté à l’œuvre d’Adrian Ghenie, ce « grain» est évocateur car il se matérialise par la puissance gestuelle des traits et par la violence chromatique des compositions. Toujours à cheval entre abstraction et figuration, Adrian Ghenie façonne des visages et des corps fantomatiques grâce à des aplats de peinture à l’huile et des incisions au couteau savamment orchestrés. //
¹ Livret de l’exposition d’Adrian Ghenie, galerie Thaddaeus Ropac, 2015.
Adrian Ghenie //
Exposition jusqu’au 21 novembre 2015 at galerie Thaddaeus Ropac
7 rue Debelleyme 75003 Paris
www.ropac.net
ENGLISH VERSION
EXHIBITION // The dystopian expressionism in the paintings of Adrian Ghenie (born in 1977, Romania) is much more evocative than its violent and chromatic gestures might suggest.
The paintings exhibited at the Thaddaeus Ropac Gallery in the Marais, the concept of “self” being the principal point of exploration, display a strong narrative and ambiguous figuration. The face of the artist is outlined in certain titles (Self-Portrait as Monkey, Self-Portrait Smoking, Self-Portrait as Vincent van Gogh, among others) and their compositions set the lonely portraits and characters free. The statuesque posture of the man with the flayed face in Self-Portrait Smoking (reminiscent of the paintings of Francis Bacon) brings the viewer back to the centre of the canvas despite the distraction of lyrical abstraction.
Even if Adrian Ghenie is the primary subject of these paintings, his work is animated by a reflection on « the personal and collective memories, film scenes, images gleaned on the Internet and references to art history »¹. Driven by the desire to « paint the grain of history », the artist presents a world in perpetual construction, where portraits and figures are the hybrid result of a mixed and layered composition.
This « grain » is evocative to the spectator because it is materialized by the gestural power of strokes and the chromatic violence of compositions. Always hovering between abstraction and figuration, Adrian Ghenie crafts ghostly faces and bodies upon flat surfaces of oil paint in a clever orchestration of knife cuts. //