Par Maxime Gasnier
ÉDITION // Le photographe Ulrich Lebeuf met en lumière les fragments d’une histoire passionnelle à travers son nouvel ouvrage Tropique du cancer, publié aux éditions Charlotte sometimes. Une réactivation du souvenir amoureux où la violence intime définit une nouvelle réalité anonyme.
« C’est un roman photo, un conte contemporain, une narration libre d’être appropriée par le lecteur/regardeur », renseigne Charlotte Guy, éditrice du nouvel ouvrage Tropique du cancer. Dédié au travail photographique d’Ulrich Lebeuf, le livre ouvre la voie d’une pénétration de l’intime subtilement invoquée par une série de clichés personnels.
Né d’un quotidien immortalisé — il y a plusieurs années — sans volonté d’être montré, cette histoire picturale interprète la vie passionnelle du photographe et de sa compagne. Des épisodes de vie où le portrait règne en maître, capturés par un Polaroïd, jusqu’à une rupture amoureuse ayant déclenché la prise de conscience fondatrice de leur position artistique. Ulrich Lebeuf a matérialisé ses pulsions par un acte de destruction finalement écourté, transformant ainsi l’ancien être bien-aimé identifiable à une personnalité anonyme. L’altération des photographies, l’objectivation de la femme et l’idée de disparition partielle témoignent de cette rage éphémère définissant toute l’esthétique du projet.
Après plusieurs editings, le livre modèle habilement une imagerie intime déstructurée, où le format traditionnel du Polaroïd s’éclate sur la page, où la pliure est utilisée, où les sujets sont parfois dédoublés. « Je souhaitais universaliser les sentiments qui surgissent a posteriori d’une rupture où colère, perte et deuil se manifestent en même temps », explique Charlotte. Un ensemble dense avec des moments de douceur et de blanc, comme une apnée séquentielle faisant écho au roman Tropique du Cancer¹ (1934) de l’Américain Henry Miller. La substance de l’ouvrage s’effectue aussi dans une rythmique où nouvelles et poèmes indépendants du bon vouloir narratif écrits par Alexandre Kauffmann s’entremêlent pour assumer l’état pulsatif des souvenirs, des images fixes et heureuses qui appartiennent au passé. //
¹ « C’est qu’alors j’étais très près de toi. Plus près peut-être que je ne le serai jamais. Et j’avais peur, terriblement peur, que quelque jour tu ne me reviennes… Et je serai resté en l’air, avec mon idée de toi simplement, sans rien pour la soutenir. Tu dois être en vie pour moi jusqu’au dernier moment… C’est ta seule façon de continuer à donner corps à l’idée que j’ai de toi. Parce que comprends-tu, tu es devenu si intimement lié à quelque chose de vital en moi, que je ne pense pas pas que je pourrai jamais me débarrasser de toi. C’est difficile de parler de soi si intimement. »
Tropique du cancer by Ulrich Lebeuf
Les éditions Charlotte sometimes
www.leseditionscharlottesometimes.com