The Steidz Project Room : l’exposition “BODY FLUID”

The Steidz ouvre son espace d’exposition à Paris (Belleville), The Steidz Project Room, avec un group show intitulé “BODY FLUID” qui rassemble six entités créatives — artistes, photographes, designers — dont le discours esthétique questionne la définition même de la fluidité, à travers le prisme de la métamorphose. Pensée comme une exploration matérielle des relations intangibles entre le corps et l’objet, l’exposition gravite autour de cette idée qui rend visible les notions de flux, de circulation et de rapport sensible aux choses.

MÉTAMORPHOSES ABSTRAITES

De l’état “fluide”, s’écoulent plusieurs lectures : une référence au liquide, au mouvant, qui transite d’un point d’origine à une situation finale. Cette circulation se concrétise par une métamorphose. Ce qui est figuratif peut devenir abstrait, ce qui est théorie peut se mettre en image.

Partageant cette vision bilatérale, Cécile Bouffard raconte à travers son œuvre Frau Troffea, la reconnaissance de cette femme éponyme ayant marqué l’épisode historique de “l’épidémie dansante” qu’elle a déclenchée en 1518, à Strasbourg, en contaminant la foule de ses mouvements compulsifs. Ancrée dans cette agitation, sa sculpture murale semble convulser et glisser inexorablement vers le sol : deux bas-reliefs s’entortillent l’un dans l’autre ; le premier, d’un bleu nuit brillant, presque gluant, est comme auréolé d’une lame de métal peinte en noir formant une masse, à la manière d’un pied tordu qui tente de rattraper un troisième fragment au revêtement textile. Le mouvement du corps, fluidifié par une danse exacerbée, est ainsi retranscrit dans cette métamorphose biomorphique, liquéfiante.

Dans la même veine, une mollification de la figure corporelle s’affirme avec évidence dans les objets textiles de Claire Duport. À la croisée de la couverture de lit et de l’étendard ornemental, la créatrice s’imprègne d’une vision organique libre en développant une abstraction brodée et cousue à la main. Elle signe une iconographie tangible, en convoquant un champ lexical à la fois viscéral et épidermique, renforcé par l’appropriation de couleurs chair. Sortes de secondes peaux, ses tissus épais et moelleux s’illustrent de motifs rappelant ceux du test de Rorschach, laissant ainsi au regardeur le soin d’explorer lui-même sa psyché.

MISE EN CIRCULATION

Indéniablement, la relation corps-objet s’exprime par un processus de flux. Des flux sensoriels invisibles qui se manifestent par des étapes appréciatives — visuelles, olfactives, tactiles, auditives, gustatives — comme le met en image Valentin Abad à travers sa série photographique Les Liants. Ici, ce qui est intangible se matérialise par le cadavre exquis : une rose fanée collée à un chewing-gum déjà mâché ou une suite d’allégories faciales sculptées en bois évoquent, tour à tour, des allers-retours entre les sens et les sentiments liant les êtres entre eux et aux choses. Le plasticien incarne également cette fluidité à travers son installation Interne, métaphorisant le dialogue intérieur par une chaîne composée de maillons en céramique, et reliée à une tête sculptée en bois. Un chemin introspectif qui rend palpable la circulation verbale et psychique.

En prenant appui sur la pop culture, le studio de design Waiting For Ideas fondé par Jean-Baptiste Anotin signe quant à lui un siège tubulaire, canalisant la notion de fluidité au moyen de la forme, de la couleur et de la matière. Point de départ de cette pièce d’apparence élastique, la boisson addictive Purple Drank appréciée par les rappeurs américains et notamment mise en lumière dans la chanson Kissin’ Pink d’A$ap Rocky. La chaise Slurp célèbre ainsi la circulation du liquide alimentaire dans une paille en aluminium poli et peint, aux dimensions exagérées, tandis que son titre qui relève de l’onomatopée fait allusion à l’aspiration par la bouche et aux plaisirs de la dégustation. Par sa fonction utilitaire, cette chaise sculpturale affirme un lien manifeste avec le corps humain en se tenant à disposition pour accueillir une position assise.

MYTHOLOGIES PERSONNELLES

Si la fluidification du corps mène foncièrement à de nouvelles figures, certains artistes ont choisi de mettre en évidence les processus d’hybridation qui sont impliqués. C’est sur ce credo que le plasticien Akis Karanos prodigue une suite d’images baptisées du titre Anaesthetism — jeu de mots lui-même hybride, conjuguant les termes anglais “anesthésie” et “esthétique”. Sourcées dans un panorama de films, photographies, illustrations et autres objets multimédia glanés au fil de rencontres, les scènes qu’il compose dans un esprit collagiste éclairent la notion de transition. Paysage et corps humain sont sujets à des étapes transitoires, transformantes : les perspectives s’abolissent, l’inanimé prend vie, le solide s’amollit, le reconnaissable se décompose. L’accent est mis sur la mutation d’une nature à une autre, glorifiant plus que jamais une vision gender fluid.

À son tour, Lucie Khahoutian développe sa propre mythologie en proposant deux images composées digitalement, où la sémiotique du flux migratoire prévaut. Elle provoque la rencontre d’éléments étrangers pour mettre en exergue la transposition d’une culture dans un nouveau pays d’accueil ; à l’instar d’une communauté déplacée, le voyage des composantes de ces collages suit une trajectoire, une circulation, qui donne lieu à des mélanges en écho à un cosmopolitisme parfois mis à rude épreuve. Une dimension instable renforcée par le médium textile choisi, un taffetas. Support fluide, il rappelle le rideau — attribut évocateur de l’intime, du foyer — et invite le regardeur à se plonger dans un espace tangible, bien qu’en déplacement permanent. •


Exposition “BODY FLUID”
Vernissage vendredi 4 février 2022 à 18 h
Exposition jusqu’au 26 mars 2022
The Steidz Project Room
40, rue de Tourtille 75020 Paris


350 € • Valentin Abad, Les Liants 04, 2019, photographie couleur 30 x 40 cm sur support 50 x 60 cm, MDF teinté et gravé, 5 exemplaires + 2 EA, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Valentin Abad, Les Liants 06, 2019, photographie couleur 30 x 40 cm sur support 50 x 60 cm, MDF teinté et gravé, 5 exemplaires + 2 EA, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

7 500 € • Valentin Abad, Interne, 2022, sapin massif et céramique, dimensions variables, courtesy de l’artiste & The Steidz © Juan Jerez  → Obtenir plus d’informations

1 600 € • Cécile Bouffard, Frau Troffea, 2019, bois, peinture acrylique, silicone, métal, textiles, 125 x 210 cm, pièce unique, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

400 € • Claire Duport, Form 1, 2022, coton, polyester, technique de matelassé et appliqué, 143 x 180 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

280 € • Claire Duport, Tube 2, 2022, technique de matelassé et appliqué, 70 x 112 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

280 € • Claire Duport, Tube 1, 2022, technique de matelassé et appliqué, 77 x 112 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 002, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 003, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 004, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 006, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 005, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

350 € • Akis Karanos, Untitled 007, 2021, photographie, 21 x 29,7 cm, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

800 € • Lucie Khahoutian, We Are Our Mountains, 2017, série Looking Back At My Childhood, impression sur taffetas (55 grs/m2), fourreau de 5 cm sur le haut, 140 x 200 cm, édition limitée de 15, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

800 € • Lucie Khahoutian, Untitled, 2017, série Propaganda, impression sur taffetas (55 grs/m2), fourreau de 5 cm sur le haut, 140 x 200 cm, édition limitée de 15, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

3 600 € • Waiting For Ideas, Slurp, 2021, aluminium, peinture, 50 x 48 x 105 cm, pièce unique, courtesy de l’artiste & The Steidz → SHOP → Obtenir plus d’informations

The Steidz Project Room : l’exposition “BODY FLUID”