À la galerie Chantal Crousel, ceci n’est pas une chaise

La chaise s’invite comme protagoniste de la nouvelle exposition collective présentée dans la galerie parisienne Chantal Crousel : jusqu’au 4 février, plusieurs artistes internationaux revisitent cet objet du quotidien, brisant son apparente banalité par des jeux d’altération et de collage. 

Dans Leçons de Philosophie (1933-1934), Simone Weil interroge la notion du terme « chaise », un meuble courant qui concentre la simplicité du quotidien, mais aussi la complexité du sens. Accroché sur l’un des murs de l’exposition, un écran d’IPhone nous montre ce fragment de la philosophe, nous rappelant l’intemporalité de sa leçon. Il s’agit d’une sculpture conçue à la main par Thomas Hirschhorn (né en 1957, Suisse), lequel, à travers la reproduction du texte de Weil, nous invite à ne pas négliger l’importance de la vue dans l’observation d’un objet.

Tout au long de l’exposition, la chaise semble être dépouillée de sa signification la plus primaire. Ainsi, David Douard (né en 1983, France) s’inspire de Perpignan, sa ville natale, pour s’approprier la chaise typique du sud de la France. Dans la sculpture présentée, l’artiste prive la chaise de sa fonction de siège en jouant sur l’horizontalité et en lui donnant un caractère d’inutilité. L’artiste encourage ainsi la réflexion sur l’inaction et la paresse, et sur les possibilités qu’elles offrent, car l’immobilité du corps cède la place au mouvement de la pensée. Une autre figure issue également d’expériences très intimes est celle d’Abraham Cruzvillegas (né en 1968, Mexique). Il s’agit d’une sculpture née de l’assemblage d’objets urbains et de matériaux trouvés dans la ville de Paris. Inspiré par les techniques de transport utilisées par les Olmèques, il a fait voyager son œuvre entre la galerie et divers lieux qui lui sont chers, suscitant une réflexion sur la construction, la logistique, et la transformation d’une identité personnelle et collective. 

Mona Hatoum (née en 1952, Liban) poursuit quant à elle une interrogation sur la signification du mot « siège » en présentant une chaise carbonisée. Constamment marquée par un sentiment d’incertitude, l’œuvre d’Hatoum questionne la volatilité et la sécurité de l’identité. En effet, cette sculpture évoque un bouleversement, et non un refuge ou un intérieur apaisant. Parallèlement, Wade Guyton (né en 1972, États-Unis), grand détracteur de l’industrie de l’art, a modifié une nouvelle chaise Thonet pour créer une structure tubulaire sur le sol, cherchant à défier le système de production du marché actuel. 

Prolongement du corps humain, allégorie sociale, invitation au repos ou à la réflexion : la chaise peut être dite d’une infinité de façons. Ces artistes nous montrent, comme l’a fait la phénoménologie, que l’objet de l’image n’est jamais autre chose que la conscience de celle-ci. Par de nombreux jeux d’altération et de métamorphose, les artistes parviennent à créer un environnement dans lequel la chaise est dépouillée de toute signification définie, nous faisant entrer dans une logique qui ne dépend que de notre subjectivité personnelle.


Exposition collective “Je suis la chaise”
Jusqu’au 4 février 2023 at galerie Chantal Crousel
10, rue Charlot – 75003 Paris
crousel.com


“Je suis la chaise”, vue de l’exposition, 2022, courtesy of the artists and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

“Je suis la chaise”, vue de l’exposition, 2022, courtesy of the artists and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

“Je suis la chaise”, vue de l’exposition, 2022, courtesy of the artists and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

“Je suis la chaise”, vue de l’exposition, 2022, courtesy of the artists and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

David Douard, The voltage murmur of calcium, 2022, courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

Abraham Cruzvillegas, Untitled portable sculpture (La Señora de Las Nueces) 3, 2020-2021, courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

Wade Guyton, Untitled Action Sculpture (Black Thonet Chair), 2019, courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

Mona Hatoum, Remains (chair) VI, 2020, courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

Thomas Hirschhorn, Capture, 2022, courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel © Martin Argyroglo

À la galerie Chantal Crousel, ceci n’est pas une chaise