Les sculptures vestimentaires de Jeanne Vicerial sont présentées à la galerie Templon à Paris, à travers une exposition où l’artiste invoque une mythologie qui est la sienne. Orchestrant un bal de présences énigmatiques, Jeanne Vicerial tisse une histoire contemporaine entre le corps et le vêtement.
Pour sa première exposition parisienne à la galerie Templon, Jeanne Vicerial (née en 1991) réveille les Vénus du passé pour les emmener dans le futur, entre sciences et savoir-faire. Le fil conducteur est sans doute la question du sublime, au sens romantique du terme, lorsque la beauté peut sembler inquiétante. Une quinzaine de sculptures réalisées à la main à partir de fils et de cordes peuplent l’espace. À mi-chemin entre l’armure et la peau, la “chair tissée” qu’elle façonne protège les entrailles mais dévoile également la fragilité de l’être, laissant apparaître des organes intrinsèques faits de fils roses ou de fleurs séchées liées à des lieux précis – comme la Villa Médicis à Rome, où Jeanne Vicerial fut en résidence, ou la roseraie de son ancien atelier à Pantin. Ces végétaux, destinés à évoluer visuellement et olfactivement, instaurent une temporalité faisant écho aux memento mori.
Costumière, artiste et chercheuse, Jeanne Vicerial étudie l’anatomie du corps humain, la végétation, les sens, la spiritualité ou encore la sexualité. On pourrait la considérer comme une Hildegarde de Bingen contemporaine car son œuvre est le fruit de facultés plurielles. Véritable chirurgienne du vêtement, après une formation à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, puis une expérience auprès d’Hussein Chalayan, elle crée un studio de recherche et de création appelé Clinique Vestimentaire où elle questionne le sur-mesure et le rapport entre corps et vêtement. Elle constate qu’aujourd’hui dans le prêt-à-porter, le corps s’adapte au vêtement et non plus l’inverse comme autrefois.
Durant de nombreuses heures de travail – 17 000 heures pour cette exposition –, l’artiste tisse le fil et la corde de manière répétitive jusqu’à ce que ses créations sculpturales prennent vie. Elle donne alors naissance à des présences, entre science-fiction et références au passé, dont la membrane textile fait office de bouclier. Vulnérables, il faut prendre soin de ces déesses écorchées symbolisant notamment la place de la femme dans l’histoire.
Au sein de cette exposition règne une intimité bouleversante. Des madones aux allures de guerrières trônent parmi d’autres sculptures noires, telles des figures adeptes des rites de passage entre la mort et la vie. Plus loin, épinglés au mur, en hommage au corps féminin, des objets de culte, aux apparences de vulves et appelées « sex-voto », sont destinés à être vénérés. Au sous-sol, d’autres pièces d’un blanc éclatant dominent l’espace. Proche de la crypte où repose une gisante immaculée, est diffusé un film co-réalisé avec l’artiste Louise Ernandez, Gisant.e.s une Re-Naissance, qui renforce l’aspect mystique de l’exposition : ce projet intégrait notamment quatre œuvres présentées au sein de la basilique Saint-Denis en 2022. •
Exposition “Armors” by Jeanne Vicerial
Jusqu’au 11 mars 2023 at Templon (Grenier Saint-Lazare)
28, rue du Grenier Saint-Lazare – 75003 Paris
templon.com