Au Palais de Tokyo, les multiples visages du VIH

“Exposé.es”, la nouvelle exposition du Palais de Tokyo, réunit une quarantaine d’artistes et de collectifs inspirés par le sida. Les œuvres présentées se déploient comme des miroirs qui reflètent à la fois la lumière et les ombres de cette épidémie et révèlent le potentiel de l’association de l’art et du militantisme.

Les années 80 ont été les plus meurtrières du sida : celles où les victimes ont été isolées par la société, les amis, les familles. Dans Ce que le sida m’a fait, un essai d’Élisabeth Lebovici paru en 2017, la critique d’art et historienne montre comment l’épidémie qui a frappé toute une génération a ouvert une nouvelle perspective politique, sociale et esthétique. Prenant cet ouvrage comme point de départ, l’exposition se veut une prolongation qui explore les liens entre la maladie et la création artistique. Dans l’exposition déployée au sous-sol du Palais de Tokyo, on y découvre les œuvres de figures engagées aujourd’hui disparues telles que Derek Jarman, Hervé Guibert, Félix González-Torres ou encore David Wojnarowicz, ainsi que les travaux d’autres artistes contemporains telles que Zoe Leonard ou Nan Goldin, puis des collectifs comme Fierce Pussy, les Ami.e.s du Patchwork ou Act-Up.

Certains artistes ont produit de nouvelles œuvres pour l’occasion. C’est le cas, par exemple, de Moyra Davey (née en 1958, Canada) qui présente une série photographique évoquant, à travers des notes autobiographiques, le système de santé américain. Pour ses images, elle s’est inspirée du travail d’Hervé Guibert, cherchant à renouveler le regard sur l’écrivain et photographe, disparu à cause du sida. Benoît Piéron (né en 1983, France), quant à lui, a créé une installation basée sur une porte à travers laquelle on perçoit une lumière pâle rappelant un couloir d’hôpital. En outre, des chaises sont disposées dans plusieurs salles de l’exposition, tapissées par l’artiste à partir de draps d’hôpitaux réformés. Le travail de Piéron est intimement lié à sa survie au VIH et au cancer. Par la création, il transforme sa souffrance en une force, ce qui donne naissance à une œuvre plastique qui s’attaque de front à la maladie tout en reflétant tendresse et douceur.

Henrik Olesen (né en 1967, Danemark), quant à lui, présente une série de boîtes en bois réalisées spécialement pour cette exposition. Il prend ici l’histoire de l’art comme point de départ, en répliquant la taille exacte de l’œuvre de Paul Thek, Meat Piece with Warhol Brillo Box, et en présentant à l’intérieur de chacune d’elles des références à la fois factuelles et artistiques au sida et à la culture queer de la fin du XXe siècle. Comme le souligne à juste titre Benoît Piéron dans le catalogue de l’exposition, la représentation de la maladie doit s’éloigner de “l’héroïsme”, d’une vision qui s’écarte de la mort et de la souffrance. Les artistes présentés ici semblent en être conscients, car ils prouvent que l’expérience de la maladie peut être représentée comme quelque chose de commun, montrant des réseaux, des amitiés, en définitif, l’amour, mais aussi son revers : la colère, le manque, la solitude.


Exposition collective “Exposé·es”
Jusqu’au 14 mai 2023 at Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson – 75116 Paris
palaisdetokyo.com


Lili Reynaud-Dewar, My Epidemic (Teaching Bjarne Melgaard’s Class), 2015, courtesy of ADAGP © Blaine Campbell

Henrik Olesen, Milk 4, 2020, courtesy of the artist and Buchholz Gallery

Vue d’exposition, “Exposé·es”, Moyra Davey, 2023, courtesy of Palais de Tokyo © Aurélien Mole

Georges Tony Stoll, Gramercy Park Hotel, 1999, courtesy of Galerie Poggi

Zoe Leonard, installation of Untitled  (1992) at the Neue Galerie, documenta 9, 1992, courtesy of documenta-Archiv © Dieter Schwerdtle

Les Ami·e·s du Patchwork des noms, Patchwork n°21, 2017, courtesy of association des Ami·e·s du Patchwork des noms © François Doury

Au Palais de Tokyo, les multiples visages du VIH
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