La Hamburger Bahnhof consacre une première grande rétrospective à Lee Ufan, figure majeure d’un art multipolaire qui aimante l’association de matériaux bruts et industriels à une quête méditative autour de l’abstraction.
Deux pierres, à demi posées sur un long miroir rectiligne, lui-même ancré dans un sol recouvert de gravier clair : Relatum – The Mirror Road (2016/2023), installation expansive de Lee Ufan, s’impose comme point de repère de l’exposition. Du plein au vide, l’œuvre de l’artiste coréen synthétise à elle seule une puissance médidative véhiculée par une poésie des contraires : naturel et industriel, intérieur et extérieur, organique et géométrique ; des rapports sensibles que Lee Ufan a développés dès les années 1960, en théorisant notamment le mouvement d’avant-garde japonais Mono-ha — littéralement, “l’école des choses” en français — et dans les années 1970 sur la scène coréenne avec le courant Dansaekhwa, guidé par une fascination pour le monochrome. Mais aujourd’hui, la Hamburger Bahnhof ose l’extension de son art jusque-là populairement défini comme minimal : le centre d’art berlinois impose, face à l’installation, une célèbre peinture de Rembrandt. L’Autoportrait au béret de velours (1634), prêt de la Gemäldegalerie, se glisse entre les deux bornes minérales qui jalonnent l’extrémité de la route-miroir.
Ainsi se crée la rencontre entre un artiste devenu porte-parole de deux écoles artistiques asiatiques trop peu connues et une icône de l’art occidental. Si Lee Ufan fait régulièrement référence aux racines européennes dans ses œuvres, le dialogue qui émane de cette association évoque aussi l’influence du Mono-ha en Europe, où des principes familiers pénètrent l’Arte povera, notamment. La suite de l’exposition, qui se poursuit jusqu’en extérieur, accueille une soixantaine de pièces sculpturales et picturales de l’artiste. De quoi prolonger cette réflexion autour de la dualité des formes et des espaces, avec laquelle Lee Ufan ne cesse de négocier. •
Exposition “Lee Ufan”
Jusqu’au 10 mars 2024 at Hamburger Bahnhof – Nationalgalerie der Gegenwart
Invalidenstraße 50-51 – 10557 Berlin
smb.museum