Gianni Pettena : l’anarchitecte expose à Sète

L’exposition “Anarchitecture”, présentée au Crac Occitanie à Sète puis à l’automne au Frac Centre-Val de Loire à Orléans, donne à voir et à comprendre une conception libre et critique de l’architecture à travers les œuvres de Gianni Pettena. Un décloisonnement de la discipline qui questionne les liens et relations régissant les différentes entités d’un environnement. 

Un vent de liberté souffle sur l’architecture. Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, Gianni Pettena (né en 1940, Bolzano) apporte à la discipline architecturale un sens de la critique et de l’humour, une sorte de théorie joyeuse grandement bienvenue par les temps qui courent. Celui qui se définit lui-même comme « anarchitecte » dans un texte de 1973 fait partie de ces architectes qui ont révolutionné leur domaine sans avoir construit pour autant. Figure de l’architecture, architecte sans bâtiment, Gianni Pettena pratique à travers la théorie, l’art et l’enseignement. Ici, il ne faut donc pas entendre l’architecture comme la construction d’édifices, mais plutôt appréhender des conceptions qui questionnent ce qui agit sur nos corps. Nos “corps” : le corps individuel, celui par lequel « je » suis et qui définit un premier rapport au  monde. Mais “nos” corps également ; le collectif, là où se jouent les sociabilités et se forment les communautés. “Nos corps”, par lesquels nous sommes, nous apprenons, nous concevons. C’est ici que se joue l’architecture, d’après le fil rouge déroulé au sein de cette exposition : la pensée du  corps, ce corps déterminé par ce qui l’entoure.  

Dès la première pièce visible au sein du centre d’art, Paper (Midwestern Ocean), qui ouvre et  conclut l’exposition, le corps doit déconstruire, découper, ôter, remplacer du plein par du vide pour voir, se déplacer, trouver son chemin, sa place. L’œuvre est composée d’une somme de  bandelettes de papier qu’il faut découper afin d’accéder à la salle qu’elles emplissent. C’est la succession des actions qui va libérer l’espace — l’action d’une personne profite alors aux autres. Se libérer pour être, et être ensemble. Cette installation a été initialement conçue dans le cadre d’un cours que Gianni Pettena a donné en 1971 au College of Art and Design à Minneapolis. Elle fait écho aux bandes qui couvrent le centre d’art, issues de Forgiving architecture, une installation qui ajoute une seconde peau au bâtiment, un mouvement qui fluctue selon les variations du vent. Qu’il s’agisse du public ou des phénomènes météorologiques, les œuvres de Gianni Pettena sont en profonde interaction avec leurs environnements directs et vivent ainsi dans le temps. Dans cette idée, Human Wall (2012-2024), tableau d’argile rendant visible les traces des mains qui l’ont créé, s’effrite au fur et à mesure qu’il sèche. Tableau vivant aujourd’hui, il s’effondre jusqu’à devenir une sculpture au sol demain. Les formes changent en continu. Le mot « architecture » dessiné dans le sable s’efface au fil des vagues dans une vidéo intitulée Architecture + nature (2011). Rien n’est jamais immobile, ni éternel. 

L’architecture en elle-même est un mouvement. En faisant avec ce qu’il a sous la main, avec les  matériaux à disposition, Gianni Pettena, l’architecte ou l’artiste, initie d’autres possibilités d’interactions avec son environnement — qu’il destine à lui-même, et aux autres. Dans cette idée, ses œuvres sont souvent réalisées avec des matériaux naturels, bruts, simples. Avec  Archipensiero (2009-2024), le public se retrouve immergé dans une pièce remplie de feuilles de raphia, disposées sur des socles de bois afin de rejouer les formes d’un temple de grec. Pour Pettena, c’est un symbole culturel ; il s’agit d’interroger la conception du socle de notre société pour déconstruire. L’architecture est faite de corps vivants. Elle supporte les corps, le corps est architecture, et vice versa : corps et architecture se confondent. 


Exposition “Anarchitecture” by Gianni Pettena
Jusqu’au 1er septembre 2024 at Crac Occitanie
26, quai Aspirant – 34200 Sète
crac.laregion.fr


Gianni Pettena, Architecture + Nature, 2011, dessin, courtesy de l’artiste et Salle Principale, Paris © Studio Gianni Pettena.

Vue de l’exposition “Anarchitecture” de Gianni Pettena, Crac Occitanie, Sète, 2024. Archipensiero, 2009-2024, raphia, bois. Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Vue de l’exposition “Anarchitecture” de Gianni Pettena, Crac Occitanie, Sète, 2024. Tunnel sonoro, 1966-2024, structure en acier. Production : Crac Occitanie. Costume (coton, métal). Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena, Tunnel sonoro, 1966-2024, structure en acier. Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena, Tunnel sonoro, 1966-2024, costume (coton, métal). Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena, Human wall, 2012-2024, argile. Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena, Human wall (détails), 2012-2024, argile. Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Vue de l’exposition “Anarchitecture” de Gianni Pettena, Crac Occitanie, Sète, 2024. Paper (Midwestern Ocean), 1971, papier kraft blanchi. Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine. Photo : Aurélien Mole.

Détail de l’exposition “Anarchitecture” de Gianni Pettena, Crac Occitanie, Sète, 2024. Paper (Midwestern Ocean), 1971, papier kraft blanchi. Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena, Ombra, 1985-2024, laine (3 manteaux), structure en métal, bois. Production : Crac Occitanie. Courtesy de l’artiste et Galerie Salle Principale, Paris. Photo : Aurélien Mole.

Gianni Pettena : l’anarchitecte expose à Sète