Reflets de notre époque ou invitations à l’imaginaire, les œuvres contemporaines présentées à Art Paris Art Fair révèlent des intentions créatives qui nourrissent la scène artistique. Tour d’horizon, en dix talents à retenir de cette édition.
Daniel Dewar & Grégory Gicquel
Cette récente série de sculptures en grès, imaginée par le duo Dewar & Gicquel, poursuit la fusion des codes zoomorphiques et anthropomorphiques chère aux artistes, avec des figures empruntées à la vaisselle quotidienne. Jarres, assiettes, pichets : chaque pièce ricoche avec la thématique “Art & Craft” curatée par Nicolas Trembley au sein de la foire, inspirée du mouvement Arts and Crafts apparu à la fin du 19e siècle.
Daniel Dewar & Grégory Gicquel, Stoneware vessel, 2023, grès grand feu, 80 × 23 × 53,5 cm. Courtesy de la galerie Loevenbruck (Paris). © Daniel Dewar & Grégory Gicquel. Photo : Benjamin Baltus.
Stijn Cole
Déjà repéré sur le salon Drawing Now, Stijn Cole est attentif à la relation entre l’artiste et le paysage. Développant des formes conceptuelles qui associent souvent l’objet et la nature, il présente ici Jumeaux (2023), double représentation d’une branche végétale, en bronze. L’une paraît bourgeonnante et repose sur l’autre, dont la découpe est artificielle. Cette armature schématisée renvoie inéluctablement à la maîtrise de l’environnement par la main humaine.
Stijn Cole, Jumeaux, 2023, 51 x 198 x 123 cm. Courtesy d’Irene Laub Gallery (Bruxelles). © Stijn Cole.
Ellande Jaureguiberry
Récemment exposés à la galerie 22,48 m2, les dessins au crayon d’Ellande Jaureguiberry parviennent à confondre les frontières entre abstraction et figuration, par l’abolition des perspectives. Ses natures mortes enlacent des fragments de portraits qui réveillent une sensualité permise par des couleurs charnelles, souvent évanescentes, et des objets organiques qui tiennent du registre végétal ou corporel.
Ellande Jaureguiberry, Nature Morte à la Pomme, 2022, crayons de couleur, 75 x 60 cm. Courtesy de 22,48 m2 (Romainville). © Ellande Jaureguiberry.
Ida Tursic & Wilfried Mille
Avec son Bichon mélancolique et pourtant mobile en Bleu (2021), le duo Tursic & Mille atteste de son penchant pour l’exploration de la représentation picturale. En interrogeant tant la reproduction que la circulation des images, les peintres abrogent les limites entre peinture et sculpture, n’hésitant pas à multiplier les contradictions : planéité du support mais sur roulette, reproduction fidèle mais gribouillages naïfs… Dans leur œuvre, tout mène à la question.
Tursic & Mille, Bichon mélancolique et pourtant mobile en Bleu, 2021, technique mixte, 114 x 98 x 30 cm. Courtesy de la Galerie Almine Rech (Paris). © Tursic & Mille.
Marion Verboom
Animée par le prélèvement d’une iconographie historique, archéologique voire architecturale, Marion Verboom compose ses Achronies à la manière de cadavres exquis. Ceux-ci s’offrent à une combinaison de matières qui, entre jesmonite, résine et plâtre, assoient diverses images au sein d’un même assemblage. L’artiste élève ainsi des narrations fabulées, qui se lisent à travers les motifs et les reliefs qu’elle compose.
Marion Verboom, Achronie n°22, 2022, jesmonite, plâtre, résine, 238 x 52 x 52 cm. Courtesy de la Galerie Lelong & Co (Paris). © Marion Verboom.
Io Burgard
Entre sculpture et dessin, Io Burgard cultive ce mystère qui fait de ses œuvres des objets indéterminés. En croisant diverses techniques, l’artiste met l’accent sur la fluidité : on ne sait s’il s’agit de bas-reliefs ou de sculptures, de fresques ou de tableaux. Récemment, le centre d’art contemporain La Traverse, à Alfortville, dédiait une exposition à son univers fantasmé, qui emprunte autant à la statuaire qu’à une forme d’art primitif.
Io Burgard, Les beaux restes, 2020, technique mixte, 51 x 27 x 5 cm. Courtesy de She BAM! Galerie Laetitia Gorsy (Leipzig). © Io Burgard.
Mireille Blanc
Dans ses peintures, Mireille Blanc pousse l’énigme à la contemplation. L’artiste travaille à partir de photographies, personnelles ou trouvées, qu’elle traduit selon son instinct en tableaux. Ses mystérieux personnages, dont le visage est souvent tenu à l’écart du regardeur, s’échappent dans des scènes qui paraissent familières mais dans lesquelles se glissent les détails-témoins d’un certain imaginaire.
Mireille Blanc, Mountain, 2022, huile sur toile, 200 x 140 cm. Courtesy de la Galerie Anne-Sarah Bénichou (Paris). © Mireille Blanc.
Pauline d’Andigné
Composant avec un vocabulaire qui oscille entre attraction et répulsion, Pauline d’Andigné exprime à travers ses sculptures et performances un commentaire de la société hypermoderne. Cette ancienne résidente du Fonds de dotation Weiss ne cesse de se saisir des codes liés à la monstruosité et à la sensualité, écrasant toute lecture sensible par la présence d’indices inflexibles, à l’image de chaînes ou de matières plastiques.
Pauline d’Andigné, Flowers, 2023, vinyle, fibre polyester, résine polyuréthane, chaîne. Courtesy de Ketabi Bourdet (Paris). © Pauline d’Andigné.
Sebastian Krzywak
En prenant appui sur l’abstraction géométrique traditionnelle, Sebastian Krzywak formule ses peintures en constituant des motifs issus du monde microbiologique. Ses lignes épaisses et sinueuses dessinent un mouvement sur le support de la toile, tout en intégrant une disparition maîtrisée : au profit du flou ou de l’effacement, ses couleurs semblent dynamiques et paraissent fuir en dehors du cadre.
Sebastian Krzywak, Untitled 154, 2023, acrylique sur toile, 100 x 80 cm. Courtesy de la Galerie MOLSKI (Paris). © Sebastian Krzywak.
Nour Elbasuni
Dans ses peintures récentes, la jeune peintre Nour Elbasuni remet en question l’héritage orientaliste tout en proposant un récit alternatif à la représentation des rôles de genre. Essentiellement composés de figures masculines, ses tableaux s’attèlent à la perception culturelle et politique de la société, en proposant des scènes populaires et ambiguës dont les multiples détails semblent pouvoir se lire de manière équivoque : entre critique et tendresse, cette imagerie informe d’une psychologie à double tranchant, révélatrice de notre époque.
Nour Elbasuni, Leilet Al-Eid, 2024, huile sur toile, 120 x 90 cm. Courtesy de Hunna Art. © Nour Elbasuni
Art Paris Art Fair 2024
Du 4 au 7 avril 2024 at Grand Palais Éphémère
2, place Joffre – 75007 Paris
artparis.com
