Prix Rubis Mécénat : Charlotte Simonnet expose ses formes inclusives

Lauréate 2024 du Prix Rubis Mécénat, Charlotte Simonnet (née en 2000) investit l’église Saint-Eustache, à Paris. Sous le commissariat de Stéphanie Pécourt, la jeune artiste y présente Glimpse, une installation rendant hommage à la notion de communauté, aussi modeste dans sa forme que profondément poétique et humaniste dans son contenu.

Le projet débute en avril. Près de six mois de préparation. Le temps pour Charlotte Simonnet de rencontrer les paroissiens de l’église Saint-Eustache, quelques visiteurs occasionnels également, ainsi qu’une vingtaine de membres de l’association La Pointe, qui accueille ici chaque samedi des personnes de la rue. Durant ces rencontres, l’artiste prend part à la vie de la communauté, présente ses intentions, pour enfin recueillir divers objets — des bagues, des stylos, un mousqueton, des clefs — dont elle frappe l’empreinte sur de fines plaques de cuivre, transformant chacun de ces items en autant d’ex-voto. 160 au total, aujourd’hui dispersés dans cinq des chapelles de l’église. Il y en a sur les murs, le long des marbres et des moulures, au sol, sur les boiseries, posés, cloués, pliés, cachés. Cela habite et colonise les lieux, cela envahit la pierre et semble croître, comme un lichen étrange. S’ils le souhaitent, à la fin de l’exposition, les petites plaques de cuivre seront rendues aux propriétaires des objets qui ont servi à les former : « c’est le principe de don/contre-don, explique Charlotte Simonnet. Ces ex-voto n’appartiennent à personne, en tout cas pas à moi. ».

L’humilité traverse tout le projet. Il en faut, certainement, pour appréhender un espace aussi vaste et aussi symboliquement chargé qu’une église. « Je ne voulais pas que mon intervention s’impose, qu’elle soit déconnectée du lieu, confie l’artiste. J’ai préféré rester discrète, m’intégrer complètement et surtout je voulais que les visiteurs déambulent à travers toute l’église pour découvrir mes œuvres presque par hasard. » En plus des ex-voto, Glimpse présente une fine chaîne de verre, dont les maillons sont faits de chutes de vitrail. Outre la référence à l’architecture des lieux, cet élément nous dit la délicatesse et la fragilité des attaches qui unissent les individus entre eux, autant qu’aux lieux qu’ils occupent et où ils se regroupent. Et puis, il y a ces cordes, nouées aux piliers de la nef, rampant sur le dallage, qui sont en vérité de longs fers à béton, travaillés avec tant d’adresse que l’artiste parvient à leur donner un aspect souple. Comme souvent dans ses œuvres, la contrainte matérielle sert la démonstration. Ici, la résistance du fer rappelle l’effort dont il faut faire preuve pour tisser des liens et maintenir l’esprit de communauté. Métaphorique, Glimpse invoque des images simples, mais toujours riches de sens, ambivalentes souvent, sans jamais se départir de l’exigence formelle et matérielle.

Par son minimalisme, par sa retenue, par le choix de matériaux triviaux, Charlotte Simonnet n’impose rien, elle « investit », dans tous les sens du terme. D’abord les objets, en conférant à ses œuvres un pouvoir singulier, propre aux ex-voto, que l’on dépose habituellement pour formuler une demande sacrée ou remercier d’une grâce obtenue. Dans le cas de son projet, ce sont les rencontres, les histoires intimes partagées, qui sont déposées pour être célébrées. Ensuite les lieux, en déployant son installation à travers tous les espaces, nous invitant ce faisant à déambuler et à nous-même investir toute l’église. Enfin, elle s’investit elle-même, émotionnellement, par le temps passé sur place à rencontrer les gens, et physiquement, par le geste 160 fois répété de frapper le cuivre, tout autant que par celui de nouer du fer. Il faut de l’énergie pour donner corps à ses idées ; il en faut davantage pour porter un récit aussi vaste que celui de la concorde, en seulement quelques formes. Assurément, Charlotte Simonnet n’en manque pas, qui relève là le défi tout en renouvelant le dialogue entre art contemporain et lieu de culte.


Exposition “Glimpse” by Charlotte Simonnet
Jusqu’au 15 décembre 2024 at église Saint-Eustache
2, impasse Saint-Eustache – 75001 Paris
rubismecenat.fr


Vue de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Vue de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Vue de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Détail de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Vue de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Détail de l’installation Glimpse (2024) de Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Charlotte Simonnet, Prix Rubis Mécénat 2024. Photo : InstanT Productions.

Prix Rubis Mécénat : Charlotte Simonnet expose ses formes inclusives