Qui est Lisa Jahovic, la photographe perforatrice en couverture de The Steidz ?

Perforer, placer, photographier : la série « A Map of Absences » de la photographe britannique Lisa Jahovic condense les gestes pluriels d’une artiste collecteuse d’objets.

Avec un premier solo show (« The Third Drawer ») présenté au printemps 2024 chez Flowers Gallery à Londres, une participation à la dernière édition de Paris Photo, et une récente collaboration pour une campagne Jacquemus, Lisa Jahovic (née en 1985) confirme sa manipulation de l’objet commun au profit d’un langage visuel qui lui est propre. Adepte d’une pratique polymorphe, par la création de films, de photographies et de sculptures, la Britannique insuffle de nouvelles formes poétiques, voire politiques, aux objets. Avec sa série « A Map of Absences », dont l’une des images habille la couverture du nouveau numéro de The Steidz, l’artiste initie des « natures mortes monochromatiques » et cartographie le vide au creux d’objets issus du monde ordinaire, qu’elle ajoure pour mieux en dévoiler l’expression formelle. Plante verte, gant de boxe, bouillotte et verre de vin se figent ainsi dans une mystérieuse atmosphère en noir et blanc où toute utilité est annihilée au profit d’une nouvelle fonction et d’un rapport esthétique unique devenu sa signature visuelle, et impliquant une logique graphique.

Expérience, erreurs, hasard, essai : en repoussant sa propre maîtrise technique par le geste de la perforation, Lisa Jahovic convoque de nouveaux récits : « L’exploration initiale de ce projet est née de l’observation d’une pomme, avec un économe posé à côté. J’ai pensé que je pouvais défier et associer ces deux objets familiers d’une nouvelle façon. J’ai fait autant de trous que possible dans la pomme tout en conservant son intégrité structurelle. La pièce terminée m’a fait penser à l’histoire de Guillaume Tell, quand son père décoche une flèche dans la pomme au-dessus de la tête de son fils. » Teinté de symboles et de personnification, chaque détournement évoque une histoire, réelle ou fictive, immédiate. Son geste teinte alors l’objet d’une forme d’animisme rappelant l’univers de contes, de récits enchantés ou absurdes, à l’instar de ceux de Lewis Carroll ou Franz Kafka. Inspirée par le surréalisme, les objets relayés au rang de l’inutilité peuvent aussi renvoyer aux ready-mades et aux photographies d’objets de Man Ray. Mais Lisa Jahovic cite davantage Magritte en rendant explicitement hommage à La Trahison des images (1928-1929) en réalisant la pipe de sa série. « La juxtaposition d’idées absurdes, de structures narratives décousues, m’a toujours beaucoup touchée. En zoomant sur des détails personnels ou domestiques, ces objets évoquent un monde qui est en surface semblable au nôtre », révèle-t-elle.

Utilisant une scie cloche pour percer l’ensemble de ces objets, l’artiste britannique dépasse le défi apparent qui suppose de creuser au coeur d’un matériau dur. « Certains objets qui paraissent, pour la plupart des gens, difficiles à percer sont en réalité plus simples que prévu. Par exemple, créer des trous dans un casque et une râpe en métal était étonnamment facile, mais les objets à plus grande échelle comme un évier et une chaise prennent beaucoup plus de temps — ces trous sont comme un marqueur temporel. », souligne-t-elle. Ainsi, ces sculptures dont la photographie est une finalité redéfinissent l’usage et l’image des choses, évoquant par leur vide le déclin et l’absence programmés.


Lisa Jahovic
lisajahovic.com


Lisa Jahovic. Courtesy de l’artiste. Photo : Nacho Rivera.

Lisa Jahovic, Mushroom, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Lisa Jahovic, Plastic Bag, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Lisa Jahovic, Pigeon, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Lisa Jahovic, Plant, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Lisa Jahovic, Pipe, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Lisa Jahovic, Boxing Glove, 2023, série « A Map of Absences », tirage pigmentaire. Courtesy de l’artiste et de Flowers Gallery (Londres). © Lisa Jahovic.

Qui est Lisa Jahovic, la photographe perforatrice en couverture de The Steidz ?