À la fondation KBH.G, la ruralité crue de Sandra Knecht

Œuvre d’art totale, le projet Home is a Foreign Place de Sandra Knecht investit l’espace de la fondation KBH.G, en plein cœur de Bâle. Par un dispositif qui associe photographie et installation, cette exposition — la plus importante dédiée à l’artiste suisse à ce jour — relie les concepts d’intimité et de ruralité.

Depuis plus de dix ans, Sandra Knecht (née en 1968) explore la notion de heimat : indéfinissable en français, le terme germanique exprime l’idée d’un sentiment universel qui se réfère au foyer natal, au chez-soi d’origine. Ainsi le titre de son exposition présentée à la Kulturstiftung Basel H. Geiger en reprend-il le vocabulaire : « Home is a Foreign Place » — pouvant se traduire par « La maison est un lieu étranger » — fait allusion à l’intimité, à l’habitat, à l’individualité. D’emblée, en traversant la première salle de la fondation, cette familiarité se perçoit dans les objets qui peuplent l’espace. Au sol, les vestiges d’une toiture en bois, plus loin, des caisses dans lesquelles sont entreposées des tuiles de terre cuite. Au fond, de la pièce, comme dans une cave ou un grenier, un garde-manger répertorie pots et conserves préparés par l’artiste, façon cabinet de curiosités. Cette immersion directe dans les codes domestiques résonne avec la pratique polymorphe de Sandra Knecht. Elle ne détermine pas le heimat comme un espace physique précis ; elle en étend les contours, l’envisage comme un phénomène complexe, évolutif, qui appelle aussi à l’interprétation.

Cet esprit iconoclaste, démantelant la représentation mentale universelle du foyer, se confirme par une architecture en bois qui s’émiette dans l’exposition. Alors que l’on remarquait des éléments de toiture en entrant, plus loin, ce sont des poutres, des piliers, des murs ou des meubles qui parsèment la seconde salle. La présence d’une ruche aussi, habitat miniature par excellence, souligne cette dimension domestique, à une autre échelle, qui teinte la proposition. Mais la ruche annonce aussi cette ouverture à l’extérieur, hors des murs du chez-soi. L’omniprésence du bois, qu’il soit brut, transformé ou simulé — un immense moulage en bronze jonche le sol —, fait cette passerelle avec la nature, la ruralité, celle que connaît bien Sandra Knecht qui réside avec sa compagne à Buus, petite commune du canton de Bâle-Campagne.

Dans son quotidien, elle vit dans cet environnement à part, presque fermier, véritable « atelier vivant » où émergent ses idées. « Toutes les plantes et les animaux ont, à un moment donné, été intégrés dans mes œuvres d’art. Ils vivent ici avec nous jusqu’à leur mort », confie Sandra Knecht. Cette cohabitation multi-espèces, où l’humain évolue aux côtés du monde végétal et animal est d’ailleurs documenté dans l’un de ses projets photographiques qu’elle réalise en collaboration avec Lukas Wassmann, et que l’on retrouve dans l’exposition : l’artiste interroge des proches sur leur propre définition du foyer ; réponse donnée, la photographie enclenchée scelle un portrait de l’interviewé qui, immortalisé dans un décor rural, laisse deviner au regardeur quelle forme de heimat il pourrait percevoir.


Exposition « Sandra Knecht. Home is a Foreign Place »
Jusqu’au 27 avril 2025 à la Kulturstiftung Basel H. Geiger
Spitalstrasse 18 – 4056 Bâle (Suisse)
kbhg.ch


Vue de l’exposition « Home is a Foreign Place » de Sandra Knecht, Kulturstiftung Basel H. Geiger, Bâle, 2025. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Vue de l’exposition « Home is a Foreign Place » de Sandra Knecht, Kulturstiftung Basel H. Geiger, Bâle, 2025. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Vue de l’exposition « Home is a Foreign Place » de Sandra Knecht, Kulturstiftung Basel H. Geiger, Bâle, 2025. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Sandra Knecht & Lukas Wassmann, Sandra Camenisch: Home is where the heart finds its home. Photo : Lukas Wassmann. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Sandra Knecht & Lukas Wassmann, Muriel Utinger: Everywhere I feel welcome. Nature, animals, humans. Photo : Lukas Wassmann. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Sandra Knecht & Lukas Wassmann, Jules Petru Fricker: Home is a place that constantly evolves, where I gather memories and have my friends around me. Photo : Lukas Wassmann. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

Sandra Knecht & Lukas Wassmann, Eleonora Sutter: Everything and everyone that I am deeply connected to. Photo : Lukas Wassmann. Courtesy de l’artiste et de KBH.G.

À la fondation KBH.G, la ruralité crue de Sandra Knecht