Quelles tendances de l’art contemporain gravitent autour d’Art Basel ? Des foires annexes comme Basel Social Club et Liste aux expositions institutionnelles qui viennent d’être inaugurées, réponse en six événements à parcourir durant cette semaine suisse de l’art.
Art Basel : femmes des années 80
Avec 289 galeries internationales — implantées dans une quarantaine de pays et territoires — accueillies cette année, Art Basel prend le pouls d’une scène contemporaine qui reflète les paradigmes de son époque et les voix qui en rendent compte. La mise en lumière des artistes femmes, en particulier celles nées dans les années 1980, se distingue sur l’ensemble de la foire. Parmi les noms à ne pas manquer, on retrouve la plasticienne norvégienne-nigériane Frida Orupabo (née en 1986), dont l’œuvre se compose de collages et de fragments iconographiques interrogeant avec subtilité les héritages coloniaux encore ancrés dans les structures sociales, économiques et politiques ; l’Américaine B. Ingrid Olson (née en 1987) qui, elle aussi, use d’un geste collagiste pour explorer la représentation du corps ; mais encore, la Canadienne Rochelle Goldberg (née en 1984) qui développe un vocabulaire mixant artefacts archéologiques et icônes industrielles, ou la peintre allemande Katja Seib (née en 1989) qui pose sur la toile des portraits solitaires, figés dans des scènes où la mélancolie règne en maître. Plus conceptuelle, l’œuvre de la Danoise Lea Porsager (née en 1981) aborde autant l’écologie que la politique et le féminisme. Art Basel — Du 19 au 22 juin 2025 — Messe Basel, Messeplatz 10, 4058 Bâle — artbasel.com.

Frida Orupabo, Cloud of confusion, 2024, tirages sur papier photo montés sur plaque d’aluminium, 60 × 60 cm chacun. Courtesy de Galerie Nordenhake (Berlin, Mexico, Stockholm).

Katja Seib, women love too early – men love too late, 2025. Courtesy de l’artiste et de dépendance (Bruxelles).

Rochelle Goldberg, Composite Icon II, 2024, céramique, paillettes de polyester, pigment, poussière, graphite, médium acrylique. Courtesy de Catriona Jeffries (Vancouver) Photo: Rachel Topham Photography.

B. Ingrid Olson, Judith’s, Glyph [Clockwise is a direction and so is south], 2012-2025, impression jet d’encre et carton mat imprimé UV dans un cadre en aluminium thermolaqué, 61 × 40,6 × 3,2 cm. Courtesy de l’artiste et de Croy Nielsen (Vienne). Photo : B. Ingrid Olson / Studio.

Lea Porsager, T.I.P. (tacless, inert, perverse), 2024, sept hélices provenant du premier parc éolien offshore au monde (fibre de verre), dimensions variables. Courtesy de l’artiste et de NILS STÆRK (Copenhague). Photo : Brian Kure.
Liste : cap sur les solo shows
Alors qu’elle célèbre sa trentième édition cette année, Liste poursuit son élan avant-gardiste en réunissant une centaine de galeries issues d’une trentaine de pays. Installation, peinture, photographie : ici, tous les médiums servent une imagerie qui s’appuie sur des récits plaçant la figure animale, humaine, voire post-humaine, dans des contextes impactants. Parmi les pièces exposées, on notera les assemblages muraux de Magdalena Petroni (née en 1986, Argentine) qui associe taxidermie et perchoirs métalliques, les supports sculptés disproportionnés pour accueillir les timbres postaux de Mark A. Rodriguez (né en 1982, États-Unis) ou encore les diptyques comparatifs d’Al Freeman (né en 1981, Canada) qui juxtaposent des reproductions d’œuvres emblématiques avec des images glanées sur Internet.

Matt Keegan, FaceTime, 2024, huile sur toile, 40 × 50 cm. Courtesy de l’artiste et de Magenta Plains (New York).

Magdalena Petroni, La Ultima Canció, 2024, taxidermie, métal, dimensions variables. Courtesy de l’artiste et de General Expenses (Mexico).

Mark A. Rodriguez, Forever .0003, 2024, timbre postal, acrylique, sculptamold, contreplaqué, 22,9 × 19,7 × 7,6 cm. Courtesy de l’artiste et de Chris Sharp Gallery (Los Angeles).

Gleb Amankulov, Figure II, 2024, support en métal, chaînes à neige pour voiture, soucoupe en pierre pour pot de fleurs, pot de fleurs en céramique, vase décoratif en verre, 32 × 93 × 32 cm. Courtesy de l’artiste et de Commune (Vienne)

Al Freeman, Comparison (Twombly/Hickey), 2024, collage sur tableau de liège, 60 × 90 cm. Courtesy de l’artiste et de 56 Henry (New York).
Ser Serpas à la Kunsthalle Basel
Avec « Of my life », l’artiste américaine Ser Serpas (née en 1995, Los Angeles) présente sa plus grande exposition institutionnelle en Suisse, à la Kunsthalle Basel. Orchestrant un étrange dialogue entre peinture, sculpture, installation, vidéo et performance, le solo show s’apprivoise comme un espace exploratoire qui invite à considérer l’image comme une forme mouvante, vulnérable mais résistante. Si la représentation du corps participe de cette vision en déconstruction permanente, Ser Serpas réactive ici des performances du Margo Korableva Performance Theatre de Tbilissi, collectif fondé en 1994 connu pour ses productions expérimentales à la croisée du théâtre et de l’art. « Ser Serpas. Of my life » jusqu’au 21 novembre 2025 — Kunsthalle, Steinenberg 7, 4051 Bâle — kunsthallebasel.ch.

Vue de l’exposition « Of my life » de Ser Serpas, Kunsthalle Basel, 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Kunsthalle Basel.

Détail de l’exposition « Of my life » de Ser Serpas, Kunsthalle Basel, 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Kunsthalle Basel.

Vue de l’exposition « Of my life » de Ser Serpas, Kunsthalle Basel, 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Kunsthalle Basel.

Vue de l’exposition « Of my life » de Ser Serpas, Kunsthalle Basel, 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Kunsthalle Basel.
Basel Social Club : écran total
La quatrième édition de l’itinérant Basel Social Club prend, cette fois-ci, ses quartiers au sein d’une ancienne banque privée, au cœur de la ville suisse. Véritable tableau vivant réparti sur une centaine de salles, l’événement qui mêle exposition, musique, cinéma et expériences gastronomiques s’imprègne de l’aura du lieu pour se laisser guider par la thématique de l’argent, brassant des sujets autant liés au commerce qu’aux valeurs capitalistes. Dans cette veine, Basel Social Club propose un programme de projections curaté par la commissaire et critique d’art Martha Kirszenbaum qui réunit les œuvres filmiques d’une dizaine d’artistes, parmi lesquels se distinguent Shifting Mental Structures Millionaire / Money (2000) de STURTEVANT et Téléphone / Telephone (2022) de Sequoia Scavullo, récemment vue dans un duo show présenté par la galerie Sans titre, à Paris. Basel Social Club — Du 15 au 21 juin 2025 — Rittergasse 25, 4051 Bâle — baselsocialclub.com.

Sequoia Scavullo, Téléphone / Telephone, 2022, vidéo 16 mm, 3 min 32. Courtesy de l’artiste et de Sans titre (Paris).

Sequoia Scavullo, Téléphone / Telephone, 2022, vidéo 16 mm, 3 min 32 sec. Courtesy de l’artiste et de Sans titre (Paris).

STURTEVANT, Shifting Mental Structures Millionaire / Money, 2000, vidéo 16/9 (format original 4/3), moniteur, silencieux, 4 min 2 sec. © Sturtevant Estate. Courtesy de Sturtevant Estate / Air de Paris (Romainville).

STURTEVANT, Shifting Mental Structures Millionaire / Money, 2000, vidéo 16/9 (format original 4/3), moniteur, silencieux, 4 min 2 sec. © Sturtevant Estate. Courtesy de Sturtevant Estate / Air de Paris (Romainville).

STURTEVANT, Shifting Mental Structures Millionaire / Money, 2000, vidéo 16/9 (format original 4/3), moniteur, silencieux, 4 min 2 sec. © Sturtevant Estate. Courtesy de Sturtevant Estate / Air de Paris (Romainville).
Steve McQueen au Schaulager
Œuvre récente de l’artiste britannique Steve McQueen (né en 1969), l’installation sonore et lumineuse Bass (2024) s’approprie l’architecture du Schaulager. Déjouant la perception spatio-temporelle du visiteur, cette expérience physique totale engage les sens dans un territoire immersif et radicalement immatériel. Rythmé de profondes et basses fréquences, l’espace est inondé d’une lumière évolutive qui écrase le corps et en prend possession. Ici, Bass souligne toute l’ingénierie d’une composition imaginée par l’artiste en collaboration avec un groupe intergénérationnel de musiciens issus de la diaspora noire et le célèbre bassiste Marcus Miller. Un projet qui souligne la fascination de McQueen pour la basse, instrument solidement ancré dans les traditions musicales noires, qui s’affirme comme un symbole puissant autorisant l’expression d’émotions complexes. « Steve McQueen. Bass » jusqu’au 16 novembre 2025 — Schaulager, Ruchfeldstrasse 19, 4142 Münchenstein — schaulager.org.

Steve McQueen, Bass, 2024, lumière LED et son. © Steve McQueen. Courtesy de l’artiste. Photo : Irma Boom.

Steve McQueen, Static, 2009, vue d’installation, Emanuel Hoffmann Foundation. © Steve McQueen. Courtesy de l’artiste. Photo : Tom Bisig, Basel.

Steve McQueen, Bass, 2024, lumière LED et son. © Steve McQueen. Courtesy de l’artiste. Photo : Irma Boom.
June Art Fair : voix alternatives
Foire satellite implantée non loin d’Art Basel, June Art Fair s’attache depuis 2019 à présenter, dans un format sélectif, un échantillon de la création internationale et transgénérationnelle. Avec une quinzaine de galeries invitées au sein de cet iconique bunker de béton transformé par Herzog & de Meuron, l’événement rassemble des artistes qui s’expriment à travers des formes inédites. Parmi eux, se distinguent les pratiques du Danois Kåre Frang (né en 1992) qui révise l’échelle de puzzles pour enfants, de l’Irlandaise Sarah Dwyer (née en 1974) qui dessine une imaginerie sculpturale et celle du Néerlandais Benjamin Francis (né en 1996) qui emploie des matériaux alternatifs pour réenvisager les motifs familiers, domestiques.

Sarah Dwyer, High Tide on the Western Bank, 2024, émail, engobe et faïence, 29 × 47 × 27 cm. Courtesy de l’artiste et Galerie Fabian Lang (Zurich).

Kåre Frang, Landscapes of Doubt, 2022., huile et gesso sur contreplaqué de bouleau, punaises, agrafes métalliques, ruban adhésif transparent, papier. Courtesy de l’artiste et de Lagune Ouest (Copenhague).

Benjamin Francis, Urinoir, 2021, urine, huile d’olive, miroir, latex, verre, 90 × 45 × 3 cm. Courtesy de l’artiste et de No Man’s Art Gallery (Amsterdam).