“Foreigners Everywhere” : une biennale de Venise queer

Placée sous le commissariat d’Adriano Pedrosa, la 60e biennale de Venise a révélé sa liste d’artistes qui prendront part à l’exposition internationale présentée dans les Giardini et à l’Arsenale. Point commun des invités : une pratique qui gravite autour de l’étranger et du queer.

Favorisant cette année des artistes n’ayant jamais participé à la grande exposition internationale qui fait événement, tous les deux ans, à Venise, Adriano Pedrosa premier commissaire originaire d’Amérique du Sud invité par l’organisation s’attache à renforcer l’essence multiculturelle de la biennale. Cette 60e édition, qui poursuit son rôle de plateforme pour des œuvres provenant du monde entier, se veut être “une célébration de l’étranger, du lointain, de l’outsider, du queer, ainsi que de l’autochtone”, selon les mots du curateur, ouvertement queer. Adriano Pedrosa indique également : “D’un point de vue personnel, je me sens impliqué dans de nombreux thèmes, concepts, motifs et systèmes de l’exposition. J’ai vécu à l’étranger et j’ai eu la chance de beaucoup voyager au cours de ma vie. […] Je viens d’un contexte, au Brésil et en Amérique latine, où l’artiste indigène et l’artiste populaire jouent un rôle important ; bien qu’ils aient été marginalisés dans l’histoire de l’art, ils ont récemment commencé à recevoir plus d’attention”.

La question de la visibilisation des minorités culturelles et du queer traverse l’exposition “Foreigners Everywhere”, dont le titre est emprunté à une série d’œuvres entamée en 2004 par le collectif Claire Fontaine, fondé à Paris et aujourd’hui basé à Palerme. Elles sont des sculptures en néon de différentes couleurs qui traduisent, en plusieurs langues, les mots “Foreigners Everywhere” (“Étrangers partout”), soulignant ainsi la dimension internationale intrinsèque du concept. Cette expression elle-même provient du nom d’un collectif turinois ayant lutté contre le racisme et la xénophobie en Italie, au début des années 2000. “L’italien ‘straniero’, le portugais ‘estrangeiro’, le français ‘étranger’ et l’espagnol ‘extranjero’ sont tous étymologiquement liés au ‘strano’, à l”estranho’, à l”étrange’, à l”extraño’, soit ce qui est précisément ‘étranger’. On pense également à L’Inquiétante Étrangeté (1919) de Sigmund Freud The Uncanny, en anglais avec cet ‘étrange’ qui est aussi familier, situé à l’intérieur, au plus profond de soi. Selon le dictionnaire American Heritage et celui d’Oxford, le premier sens du mot ‘queer’ est précisément ‘étrange’, et c’est ainsi que l’exposition se déploie et se concentre sur la production d’autres sujets connexes : l’artiste queer, qui s’est déplacé au sein de différentes sexualités et de différents genres, souvent persécuté ou proscrit ; l’artiste outsider, qui se trouve en marge du monde de l’art, tout comme l’artiste autodidacte, l’artiste folklorique et l’artiste populaire ; l’artiste indigène, souvent traité comme un étranger dans son propre pays.”

Ces différentes typologies d’artistes, en marge des conventions dominantes, seront célébrées dans le Nucleo Contemporaneo, une section dédiée aux contemporains où l’on retrouvera des artistes comme Dean Sameshima (né en 1971, Californie, basé à Berlin), Nour Jaouda (née en 1997, Égypte, basée entre Londres et Le Caire), Yinka Shonibare (né en 1962, Angleterre, basé à Londres), Louis Fratino (né en 1993, Maryland, basé à New York), Kay WalkingStick (née en 1935, États-Unis, basée en Pennsylvanie) et Pacita Abad (1946-2005, Philippines). Le Nucleo Storico, seconde partie de l’exposition, se focalisera sur des œuvres du 20e siècle, issues des pays du “Sud”, et plus précisément d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. “Dans le Sud, de nombreux artistes ont été en contact avec le modernisme européen, par le biais de voyages, d’études ou de livres, mais ils ont apporté leurs propres réflexions et contributions, très personnelles et puissantes, à leurs œuvres”, indique Adriano Pedrosa. 


Exposition “Foreigners Everywhere”
Du 20 avril au 24 novembre 2024 at Biennale Arte di Venezia

labiennale.org


Dean Sameshima, Anonymous Homosexual, 2020, peinture sur toile, 30 × 40 cm. Courtesy de l’artiste, de Kristina Kite Gallery (Los Angeles) et de Soft Opening (Londres). © Dean Sameshima.

Nour Jaouda, Everything touches everything else (détails), 2023, teinture et pigments sur toile, acier, 170 × 80 cm. Courtesy de l’artiste. © Nour Jaouda.

Yinka Shonibare, Refugee Austronaut II, 2016, mannequin en fibres de verre, toile de coton imprimée, objets divers, casque d’astronaute, moon boots, base en acier, 210 × 90 × 103 cm. Courtesy de l’artiste et de James Cohan Gallery (New York). Photo : Stephen White & Co. © Yinka Shonibare CBE.

Louis Fratino, Metropolitan, 2019, huile sur toile, 152.4 × 240.7 cm. Courtesy de l’artiste et de Sikkema Jenkins & Co. (New York). © Louis Fratino.

Kay WalkingStick, South Rim, 2016, huile sur panneau en deux parties, 91.4 × 182.9 × 6.3 cm. Courtesy de l’artiste et de Hales (Londres / New York). Photo : JSP Art Photography. © Kay WalkingStick.

Pacita Abad, You Have to Blend in before You Stand Out, 1995, huile, vêtement batik peint, sequins, boutons et toile cousus, 294.6 × 297.2 cm. Courtesy de Pacita Abad Art Estate. Photo : Peter Lee.

“Foreigners Everywhere” : une biennale de Venise queer