Chaque année, le centre d’art et de photographie de Lectoure rayonne dans la ville à l’occasion de son “été photographique”, dont les expositions sont encore visibles jusqu’au 29 septembre 2024. Focus sur “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender (né à Marseille, 1979), qui interroge notre société sous le prisme de ces objets dématérialisés qui jonchent nos vies sous forme d’images 2D.
L’exposition “Novum Glossarium” présentée dans la monumentale Halle aux grains du centre-ville de Lectoure pourrait être, à première vue, une exposition d’archéologie réunissant des objets locaux de la vie d’antan ; des jarres rassemblées, certaines brisées, d’autres intactes, de formes et de tailles diverses, prenant place de part et d’autre des colonnes du bâtiment datant du 19e siècle. À y regarder de plus près, ces vases se font les supports d’images que nous connaissons bien : bric-à-brac d’objets électroniques, instruments de musique, lunettes de vue, ustensiles de cuisine, jouets et gadgets de toute sortes apparaissent en motifs sur les ensembles de poteries en grès.
C’est un véritable marché aux puces, in situ dans la Halle, que Thomas Mailaender (diplômé des Arts Décoratifs de Paris et de la Villa Arson à Nice) met en place. Un marché d’images dématérialisées, images pour lesquelles l’artiste marseillais propose une forme autre de matérialisation. Le catalogue d’objets photographiés qui apparaît habituellement sur les sites de ventes en ligne, les publicités et les photographies des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux, jonchant quotidiennement nos écrans et nos vies, s’imprime ici sur une collection de jarres digne des vestiges d’une époque passée. Faisant référence à un véritable dictionnaire visuel, “Novum Glossarium” nous propose ainsi de prendre le recul sur la somme d’éléments présentées. Nous visitons cette exposition comme s’il s’agissait d’un musée archéologique : nous visualisons à travers les résultats des fouilles (en ligne) les modes de vie inhérents à la société desquelles les images sont grappillées, retrouvées.
En mettant directement en parallèle notre civilisation avec des ruines du passé, l’artiste joue avec nos postures entre les époques. Nous accordons une importance aux éléments du passé – de la grande jarre à la petite cuillère retrouvée — en muséifiant ces objets, c’est-à-dire en les entourant d’un soin et d’un recul particulier. L’artiste nous fait prendre la même posture avec une collection d’images anodines qu’il trouve en ligne, et qui font déjà partie de notre quotidien. Se faisant, il fait un pas dans le temps en supputant la fin de cette civilisation de la dématérialisation : jusqu’où va-t-elle aller ? Que restera-t-il du virtuel, dans le réel ? Et surtout : quelles seront les ruines de la virtualité et du capitalisme ?
Pour envisager ces questions, Thomas Mailaender extrapole le champ photographique en liant recherches visuelles et création plastique. L’artiste plasticien questionne, étire, expérimente, avec et autour de l’image. La MEP — Maison Européenne de la Photographie à Paris propose ainsi, en parallèle de cette exposition à L’été photographique de Lectoure, la première grande rétrospective de Thomas Mailaender, sous le titre “Les Belles Images”. Une occasion de plonger dans le travail de l’artiste et de ses préoccupations autour des images, de leur création à leur collection en passant par les phases successives, presque infinies de transformation. Un patrimoine URL questionné IRL. •
Exposition “Novum Glossarium” by Thomas Mailaender
Jusqu’au 29 septembre 2024 at Halle aux grains de Lectoure
79, rue Nationale – 32700 Lectoure
centre-photo-lectoure.fr
Vue de l’exposition “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender, Halle aux grains, Lectoure, 2024. Courtesy de l’artiste et du Centre d’art et de photographie de Lectoure. Photo : Marine Segond.
Vue de l’exposition “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender, Halle aux grains, Lectoure, 2024. Courtesy de l’artiste et du Centre d’art et de photographie de Lectoure. Photo : Marine Segond.
Détail de l’exposition “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender, Halle aux grains, Lectoure, 2024. Courtesy de l’artiste et du Centre d’art et de photographie de Lectoure. Photo : Marine Segond.
Vue de l’exposition “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender, Halle aux grains, Lectoure, 2024. Courtesy de l’artiste et du Centre d’art et de photographie de Lectoure. Photo : Marine Segond.
Détail de l’exposition “Novum Glossarium” de Thomas Mailaender, Halle aux grains, Lectoure, 2024. Courtesy de l’artiste et du Centre d’art et de photographie de Lectoure. Photo : Marine Segond.
