Propos recueillis par Maxime Gasnier
INTERVIEW // Actuellement exposé à la galerie ALB Anouk Le Bourdiec à Paris, le travail d’Andoni Maillard dépoussière la technique de la broderie. En instaurant une iconographie pop et kitsch, l’artiste décloisonne les passerelles entre conscience collective et humour. Proposant ainsi « une relecture d’un monde ancien en une réalité contemporaine ».
- Broderies, canevas, points de croix : qu’est-ce qui vous a mené à utiliser la matière textile ?
À dix ans, ma cousine m’a initié au point de croix. Elle m’a offert mon premier kit de broderie. Je trouvais fascinant de reproduire une image avec du fil, à l’aide d’un patron comme un numéro d’art. Mais le temps et la concentration n’étaient pas forcément mes atouts à cet âge-là ! Avec un peu plus de maturité, lorsque j’étais aux Beaux-Arts, j’ai décidé de reprendre cette pratique. Le fait d’être un homme et de reprendre une pratique souvent associée à la gente féminine est intéressant ; il y a aussi cette notion de réactiver ou de réemployer, par le détournement, l’univers de la broderie. Univers qui nous ramène souvent à une pratique vieillotte et aux intérieurs de grand-mères. J’aime l’idée de confronter cette technique avec une imagerie plus contemporaine.
- Entre identité pop et matérialité kitsch, comment situez-vous votre pratique générale ?
J’ai un faible pour les arts populaires, pour le vintage et le kitsch. Probablement parce que je viens du Pays Basque et que j’ai grandi à travers cette culture très orientée sur l’identité locale, sur le folklore et la tradition. Je joue avec ces codes, je m’approprie ces images et ces objets que je décontextualise. Finalement, je propose une relecture d’un monde ancien en une réalité contemporaine.
- Le choix des titres de vos travaux révèle une dimension comique évidente.
C’est une suite logique. Lorsque l’on est face à l’œuvre, on est face à une blague. Le titre vient rajouter une autre dose d’humour, cela fait partie du détournement.
- Votre exposition Point de Vue est présentée à la galerie ALB Anouk Le Bourdiec jusqu’au 18 avril prochain. Que pouvez-vous nous dire sur cette monstration ?
Il s’agit d’une exposition qui présente essentiellement des travaux où j’intègre la pratique du point de croix. On retrouve dans un premier temps des canevas que j’ai récupérés chez Emmaüs ou que l’on m’a donnés. Ce sont principalement des paysages bucoliques sur lesquels je viens broder une image perturbant la lecture de ceux-ci. Je raconte une autre histoire. Dans un autre registre, je récupère des pages de magazines pornographiques sur lesquels je brode un motif qui va volontairement recouvrir l’attribut féminin et masculin. On nomme souvent le sexe de l’homme et de la femme par des noms d’animaux, d’où ce choix iconographique. Dans ce cas-là, je joue sur le contraste entre la page porno, violente, crue et taboue, et le travail du fil qui, lui, est plus délicat, fragile et minutieux. L’œuvre finale prend une dimension plus poétique, plus sensible. […] Je travaille l’image comme représentation du monde dans lequel nous vivons, en me jouant des codes esthétiques.
- Pornographique, contemplative, et parfois politique : l’imagerie que vous façonnez couvre de nombreux sujets. Comment expliquez-vous ces choix ?
Les images que je choisis appartiennent à une conscience collective. Je propose de reconsidérer la matière, les formes et les images actuelles ou d’antan, en intervenant directement dessus pour les détourner de leur charge symbolique ou fonctionnelle. C’est un jeu entre les codes et les repères historiques, voire sociétaux. //
Exposition Point de Vue by Andoni Maillard
Jusqu’au 18 avril 2017 at galerie ALB Anouk le Bourdiec
47 rue Chapon, 75003 PARIS
www.galeriealb.com