Par Henri Guette
EXPOSITION // En rassemblant pas moins de cinquante-deux artistes dans l’espace d’Ici Gallery à Paris, I am what I am signe un manifeste politique sur le thème de l’autoportrait. Quand l’artiste se rend présent, c’est toute une société qu’il engage.
L’accrochage éclaté en nuages sur les murs de la galerie renforce l’impression de la multitude. Sans aller jusqu’au remplissage, le bord à bord entretient un air de portrait de famille. À hauteur de regard, on éprouve la proximité avec une scène artistique française contemporaine, générations et genres confondus. La commissaire de l’exposition, Julie Crenn, s’est engagée à rendre compte d’une diversité d’approches et de médiums qui va de la toile à la photo, du collage au dessin, en passant par quelques sculptures. De façon très fine, elle a travaillé la complémentarité plutôt que la confrontation, de façon à créer une cohérence, un maillage entre petits formats.
La formule « Je suis ce que je suis » relève du mantra, de l’affirmation de soi, répétée jusqu’à devenir réalité. Il s’agit plus particulièrement ici, comme le souligne Matthieu Laurette et son inscription « I AM AN ARTIST », de se définir en tant qu’artiste. C’est à dire un individu exprimant sa subjectivité, ce qui littéralement chez Orlan devient la radiographie d’une voix, forcément singulière. Ce regard sur soi, sur un visage pour Apolonia Sokol ou sur un corps de façon plus générale pour SMITH, est aussi un regard sur le monde, sur des normes et des usages. Quand l’une se saisit dans sa peinture du phénomène des selfies, l’autre souligne la porosité entre les genres mais toutes deux nous interpellent sur la reconfiguration permanente d’une identité contemporaine.
« I am what I am » est le refrain et le titre d’une chanson de Gloria Gaynor, suivi d’un certain nombre de qualificatifs. L’accrochage révèle une multitude de récits de soi où l’artiste est toujours en tension par rapport à la société, entre inclusion et marginalité. Certains artistes usent d’objets, à la fois symboliques — comme les vêtements de Mathilde Denize — et intimes — telle que la cabane de Fabien Mérelle —, pour témoigner d’un rapport au monde. D’autres sont plus revendicatifs : Aurélie de Heinzelin et Michèle Magema jouent de leurs images et du travestissement. Sans épuiser l’inventaire et la pluralité de lectures qu’offre l’exposition, en circuit ouvert, il est finalement possible de convenir que l’autoportrait relève d’une écriture qui mêle petite histoire, à la manière du témoignage individuel de Soufiane Ababri, et grande Histoire, à l’image des scénarios pour un monument de Bady Dalloul. //
Exposition I am what I am
Jusqu’au 17 mars 2018 at Ici Gallery
8 rue Jouy-Rouve 75020 Paris
www.ici.gallery