Par Nikita Dimitriev
EXPOSITION // Invités par l’Espace Tajan à Paris, les deux plasticiens français Simon Martin et Christine Safa se sont rassemblés en septembre à l’occasion de l’exposition The Color of Light, pour conjuguer l’expérience de la nudité avec une réflexion sur l’histoire de l’art.
Parmi les jeunes artistes parisiens, la peinture figurative, il n’y a pas si longtemps considérée comme obsolète, est en vogue : les œuvres d’Apolonia Sokol, Sergey Kononov, Jean Claracq et d’autres plasticiens de moins de trente ans sont au cœur de l’attention des critiques, galeristes, commissaires d’expositions et maisons des ventes. À leur nombre appartiennent désormais Simon Martin et Christine Safa, unis dans leur intérêt au corps humain et honorés par leur première exposition, inaugurée en septembre à l’Espace Tajan. Sous le titre The Color of Light, celle-ci dévoile trois dizaines de toiles de petit et grand format exécutées par ces diplômés des Beaux-Arts de Paris de l’année dernière. Sur un fond tridimensionnel gratté et brumeux, Simon Martin met en scène ses corps masculins nus ultra-réalistes. Son talent de « peindre les choses telles qu’elles sont » atteint l’apogée dans Les ombres ont la couleur du ciel sur les hommes endormis, dominé par le gris et l’azur pâle. Le torse masculin sur ledit tableau — son long titre à l’esprit de Jean Cocteau n’est pas moins homoérotique que son sujet — semble indiscernable de la photographie. Le portrait d’un homme en chemise, quant à lui, est doté d’un autre trait de virtuosité : la surface de cette œuvre, où Martin rend visible sa maîtrise du sfumato et des effets de la lumière. Technique tellement lisse que, même si l’on observe de prêt, il est difficile de croire qu’il s’agit d’une véritable huile sur toile.
Puisant son inspiration chez Gauguin, Giorgio Morandi et surtout dans La Danse (1910) de Matisse, l’artiste franco-libanaise Christine Safa a consciemment réduit sa palette à deux couleurs : le bleu et l’ocre, celles de la mer Méditerranée et des murs de Beyrouth. Chez Safa, à la tridimensionnalité du tissu pictural s’ajoute « le tremblement » ou la fluidité, qui redonne aux tableaux un air mystérieux et langoureux — comme si, sous un soleil brûlant de son pays, le vertige nous laissait percevoir des mirages. Sur les trois grands autoportraits, accrochés dans une alcôve de la salle d’exposition, Christine Safa, yeux fermés, taille fine et hanches luxuriantes, est allongée sur le fond monochrome d’ocre. Toute nue, peinte en grands détails et tournée vers le public, elle ne démontre néanmoins aucun signe de volupté, son visage pensif rappelant les personnages des mosaïques byzantines. Épuisée, endormie ou même morte dans une tempête de sable ? Ce genre de mises en scène récurrentes chez Safa est d’autant plus ambigu que la plasticienne se réfère à la culture orientale où la nudité est strictement bannie. Elle confronte le spectateur à un secret insoluble. //
Simon Martin www.simonmartin.fr
Christine Safa www.christine-safa.com