Par Laëtitia Toulout
EXPOSITION // De retour du Mexique et après une résidence à Marseille, Théo Mercier propose plusieurs œuvres inédites à la rigueur plastique qu’on lui connaît. L’exposition The Thrill is gone, visible au musée d’art contemporain de Marseille jusqu’au 29 janvier 2017, et en collaboration avec la galerie Bugada & Cargnel, questionne la modernité avec à l’appui le musée comme reflet des évolutions de nos sociétés.
Dans The Thrill is gone, Théo Mercier invente une histoire : celle d’un futuriste musée d’archéologie qui propose aux visiteurs un panel d’œuvres d’art non-occidentales et particulièrement africaines, comme partie prenante d’une histoire de l’art au regard mondial. L’art des différentes régions africaines n’est plus seulement l’inspiration des chefs d’œuvres de l’histoire de l’art progressiste et impérialiste que l’on connaît, mais devient constitutif et partie prenante du contemporain, au sein de ce musée mis en scène par l’artiste. Pourtant, comme dans d’actuels lieux de monstration des arts et cultures, Théo Mercier propose une vision tout esthétique de ces objets culturels. L’esthétique de l’objet prime sur ses contextes et histoires personnels.
Théo Mercier s’inspire ainsi de l’histoire que vivent nombre d’œuvres ethniques, prisées pour leur stylisme ou leur éventuelle authenticité (selon les définitions du genre). Il va même plus loin, en faisant par exemple du pillage un objet muséal à part entière. Un tas de masques cassés, agglutinés, débrayés, s’expose. Comme pour telle ou telle statuette, cet ensemble est tant décontextualisé que le regard néophyte du visiteur ne peut qu’appréhender l’aspect visuel de la chose, en passant outre la signification. De même, des range-CDs deviennent des tours abstraites et purement graphiques face au regard d’une ultime dématérialisation qui peut rendre l’objet du disque, au-delà d’obsolète, complètement absurde. Ou encore, des images 2D de sculptures sont mises en valeur dans des cadres aux couleurs pop. L’objet en lui-même n’est même plus appréhendé, au sein de sa mise à plat coloré : il devient seulement une façade, certes graphique et agréable à l’œil, mais déchargé de sens et d’histoire.
Par la mise en musée, la culture montrée s’hybride à la culture qui montre. Cette dernière semble éprise des lois de la beauté plastique, du design stylisé. Les objets s’insèrent dans des cadres colorés, sont restaurées ou rehaussés avec des matières brillantes et fringantes, offrant ici une béquille, ici un support, à telle sculpture de bois ou tel vase de terre. Dans cette contemporanéité anticipée, les formes et les temporalités s’hybrident et se métissent entre elles, tels le vivant et l’inanimé (Les Totems Suicidaires). En récupérant les singularités et mettant en scène de possibles et permises hybridations, ce musée temporaire se teint finalement d’une sorte de cosmopolitisme tout esthétique qui parviendrait à intégrer sans désintégrer. Malheureusement, cette universalité n’est que superficielle. Ce musée néo-contemporain ne peut alors que refléter un vide pessimiste et désenchanté. //
Exposition The Thrill is gone de Théo Mercier
Jusqu’au 29 janvier 2017 at [MAC] Marseille
69 avenue de Haïfa, 13008 Marseille
www.marseilleexpos.com