Photos Gregory Copitet,
courtesy of the artist
INTERVIEW // Cinquième projet présenté dans l’espace annexe de la galerie Derouillon à l’Hôtel Cromot du Bourg (Nelly Rodi), l’exposition de Justin Morin offre un panorama coloré qui investit des objets singuliers. Drapés abstraits et sculptures formelles mettent en exergue le savoir-faire du plasticien français.
- Quel est le propos de ton exposition présentée dans l’espace de la galerie Derouillon ?
Justin Morin : Les drapés qui sont réunis pour ce projet questionnent l’idée de disparition, que ce soit de manière concrète ou détournée. Il y a ainsi une pièce dédiée à Karen Carpenter (1950-1983), la chanteuse américaine décédée prématurément des suites de son anorexie, ou encore une autre dédiée aux supernovas, ces explosions de planète… Mais avant toute chose, je mets en place un travail de volume qui peut s’apprécier — je l’espère — sans connaître toutes ces références. C’est une recherche d’équilibre entre matériaux, forme et espace.
- Tes sculptures sont modelées par le textile qui se joue de drapés, de formats singuliers. Comment maîtrises-tu cette matière pour lui donner une orientation différente à chaque fois ?
Justin Morin : La soie que j’utilise pour mes drapés est si légère que le simple déplacement du visiteur la fait onduler. Ce mouvement est extrêmement important pour moi, car la sculpture n’est jamais figée. Ainsi, il ne s’agit pas pour moi de chercher la forme parfaite — ce que je tentais de faire, en vain, à mes débuts lorsque je travaillais avec des matériaux plus classiques comme le miroir ou le béton — mais de mettre en place la forme juste. La soie peut bouger, elle se disposera là où elle doit se mettre. La barre d’acier chromé qui l’accompagne est un autre point important, elle est comme un trait de crayon dans l’espace qui va donner la première impulsion à la forme finale. J’aime aussi travailler avec les contraintes architecturales de l’espace.
- À quoi fait référence la couleur travaillée en dégradés dans tes pièces et comment l’explores-tu dans ton processus de création ?
Justin Morin : Chaque drapé fait référence à une image précise, le plus souvent issue de l’industrie du divertissement, que ce soit la musique, la mode, le cinéma, le tourisme ou les arts plastiques. Ce sont des images que nous brassons quotidiennement, qui nous traversent sans nous marquer. Il ne reste le plus souvent que des traces, des formes colorées floues sans forme. C’est de là que viennent les dégradés chromatiques que je réalise. Chaque drapé est titré selon le même protocole. Ils s’intitulent How to drape… et sont suivis par des références aux images sources. How to drape a Miami sunset, How to drape a supernova, How to drape the Twin Peaks opening… Le titre renseigne toujours sur l’origine de la pièce.
- Tu présentes également des sculptures plus formelles, plus « dures », qui ponctuent l’exposition en contrastant avec la souplesse et la légèreté ambiante. Comment s’inscrivent ces pièces en regard des textiles ?
Justin Morin : Je développe depuis presque dix ans maintenant ce travail de drapés et m’étonne toujours du plaisir qu’il me procure. Chaque pièce m’emmène ailleurs. Pour autant, j’aime chercher de nouvelles techniques, expérimenter des matériaux inédits, ou encore collaborer avec des artisans — comme avec cette paire de chaussure, déposée dans l’exposition et qui agit comme un élément de narration. J’admire aussi l’art cinétique, c’est un vocabulaire qui me fascine. J’essaie de voir comment je peux me l’approprier tout en l’intégrant à mes questionnements. Une pièce comme Partition est une feuille d’acier roulée ponctuée de cercles. On peut la mettre dans l’espace ou au mur. On peut également la « fleurir » en l’utilisant comme un vase. Je suis fasciné par les fleurs qui représentent pour moi la sculpture absolue. J’aime la confrontation entre ces formes organiques et ce volume manufacturé. //
Exposition Justin Morin
Jusqu’en septembre 2020 at Galerie Derouillon, Hôtel Cromot du Bourg
9 rue Cadet 75009 Paris
www.galeriederouillon.com