Hugo Avigo, une aventure fugitive à la galerie Chloé Salgado

Empruntant le concept narratif du “cold open” (“ouverture à froid”) de Deleuze, le plasticien Hugo Avigo expose une intrigue transitoire à la galerie Chloé Salgado.  

De l’aube au crépuscule, le soleil effectue une ronde qui s’offre au paysage pour dresser, depuis toujours, un tableau concret de l’apparition ou de la disparition. À la galerie Chloé Salgado, à Paris, l’artiste Hugo Avigo (né en 1988) s’approprie cette image universelle en révisant ses codes iconographiques : au mur, How to Train Yourself to Think Differently and Permanently Rewire Your Brain instaure la vue distordue d’un horizon dont la ligne n’est pas droite, elle est ondulée, dont le soleil n’est pas circulaire, il est rectangle. De la même manière, on comprend la volonté d’Hugo Avigo d’échapper à la réalité, de fuir la représentation fidèle, en lisant ses autres sculptures-peintures, taillées comme des pièces d’un puzzle à assembler mais dont on ne connaît l’image complète.

Les œuvres exposées s’associent davantage à l’abstrait qu’à la figuration, elles renvoient à un temps suspendu, un état transitoire, à une évasion qui mène vers l’inconnu. Son installation Try Your Luck On The Suspended Light 2 soutient ce credo. Devant nous, se dresse à la verticale une série de quatre “portes” sans relief, où seules des poignées métallisées explicitent de quoi il est question, et qui peuvent être activées par le lancer d’un anneau, suspendu à un fil. Là est le jeu du hasard, de la chance ou de l’infortune qui impose au visiteur de pénétrer dans une histoire du “nulle part”. Ainsi, Hugo Avigo propose son “cold open”, cette tactique narrative utilisée à la télévision et au cinéma consistant à amener le spectateur au beau milieu d’une intrigue, ou encore, à raconter une histoire indépendante de la narration, à la manière d’une séquence teaser, tout comme l’écrivait Gilles Deleuze, “en parlant de son propre épuisement venant de nulle part, n’ayant rien à voir avec son objet d’analyse”, explique Katia Porro dans le texte de l’exposition.

En parallèle de cette exposition, Hugo Avigo investit l’espace de Poush, à Clichy, avec une proposition qui s’affirme à la fois complémentaire et contraire. Le plasticien y consolide son appétence pour l’éloignement de la réalité, le renversement des images communes, mais à travers un discours à l’horizontal, tandis qu’à la galerie parisienne, ce sont les murs qui accueillent avant tout ses constructions. Avec “Le Syndrome du sommier”, Avigo entreprend une retranscription symbolique du lit, en en déconstruisant fonctions et perception. Il se joue de la notion de décor, de confort, et meuble cette chambre perchée au seizième ciel du bâtiment d’un joyeux bordel où l’on est prêt à tout sauf dormir. •


Exposition “Cold Open” by Hugo Avigo
jusqu’au 13 février at galerie Chloé Salgado
61 rue de Saintonge 75003 Paris
galeriechloesalgado.com


Hugo Avigo, How to Train Yourself to Think Differently and Permanently Rewire Your Brain, 2021, fibre de bois, PMMA, laque polyuréthane et acrylique, 59 x 40,5 x 3 cm © Gregory Copitet / galerie Chloé Salgado

Vue de l’exposition “Cold Open” d’Hugo Avigo, 2021 © Gregory Copitet / galerie Chloé Salgado

Hugo Avigo, Try Your Luck On The Suspended Light 2, 2021, contre-plaqué, sable, acrylique, laque polyuréthane, acier, fer à béton, cordons de cotton ciré et anneaux en inox, dimensions variables © Gregory Copitet / galerie Chloé Salgado

Hugo Avigo, Try Your Luck On The Suspended Light 2 (détail), 2021, contre-plaqué, sable, acrylique, laque polyuréthane, acier, fer à béton, cordons de cotton ciré et anneaux en inox, dimensions variables © Gregory Copitet / galerie Chloé Salgado

Hugo Avigo, Closing Credits, 2021, fibre de bois, laque polyuréthane, acrylique, toile de lin et cuivre, 54 x 69 x 3 cm © Gregory Copitet / galerie Chloé Salgado

Hugo Avigo, une aventure fugitive à la galerie Chloé Salgado