Tatiana Wolska, les variations du possible

Tatiana Wolska (née en 1977, Nice) travaille de manière empirique ses sculptures et ses dessins qui expriment une énergie vitale, un souffle. Invitée à exposer au Domaine de Chamarande, dans l’Essonne, l’artiste y expose des œuvres qui font revivre ce lieu en réveillant des présences fantomatiques et réalise cinq œuvres murales in situ.

Tatiana Wolska travaille à partir de matériaux de récupération et se donne des sortes de règles de jeu pour créer ses œuvres. La matière, ses trouvailles, dictent les formes de ses sculptures et installations. Pour la première fois montrée au Palais de Tokyo en 2014, au sol, La Veilleuse, réalisée en bois de Corse et en bois de Chamarande s’apparente à une forme qui pourrait s’étendre dans l’espace. Sa sculpture relève d’un assemblage d’éléments naturels qui incarnent la mémoire de territoire. Son travail artistique peut être considéré comme naturellement écologique et ouvre de nouveaux possibles à chaque exposition.

Plus loin, une certaine étrangeté émane de sa sculpture anthropomorphe réalisée avec une multitude d’aimants et de clous. Lui faisant écho, ses dessins muraux montrent des formes organiques associées à des éléments qui les structurent. Un dialogue, une lutte entre le développement de lignes fluides et d’autres plus rigides se révèle. Dans la bibliothèque, ses sculptures en terre témoignent des gestes simples expérimentaux, d’un travail sur l’enveloppe. Tatiana Wolska s’intéresse aux objets utilitaires du quotidien et les détourne pour créer des œuvres aux textures variées, des sculptures à tenir, ergonomiques. L’artiste associe un matériau et un geste pour donner naissance à ses sculptures.

Suspendue, dans une atmosphère nocturne, son œuvre légère réalisée à partir d’anciennes bouteilles en plastique thermocollées par perforations, s’apparentant à un nuage, joue avec la lumière. Cette installation véhicule également la capacité de l’artiste à transformer les rébus d’objets afin de créer avec une extrême délicatesse. « Au début, je ne travaillais qu’avec des matériaux de récupération. Rien d’autre ne rentrait en jeu. Depuis deux ans j’ai commencé à travailler la terre. Je me suis vite rendu compte que cela demandait beaucoup de travail et il me faut des doses d’argile pour acquérir de l’expérience. Néanmoins, le matériau reste très primaire. Je crois que je le choisis par leur maniabilité et simplicité. », témoigne l’artiste. Chacune de ses œuvres fait écho aux possibilités que lui permettent les matières qu’elle récolte.

L’artiste s’investit physiquement dans ses dessins muraux. Ils incarnent une longue temporalité et témoignent d’un déplacement corporel d’une grande intensité. Ses œuvres incarnent les formes du vivant et ont en elles la mémoire d’un geste répétitif. Au mur, un polyptyque de 52 dessins témoigne de la co-évolution des formes qu’elle fait naître et des différentes typologies de travail de la ligne. L’artiste aime tester des techniques et dessiner avec des outils divers afin de faire surgir des paysages, des nébuleuses, des lignes qui dessinent des terrains escarpés ainsi que des imperfections de la peau, des muscles. Elle a l’habitude de travailler très tôt le matin considérant le dessin comme un exercice quasi-méditatif. « Chaque feuille et chaque crayon sont des prétextes pour m’amuser. C’est peut-être la règle dans ma vie également. Je commence mes matinées par dessiner dans mes carnets en buvant mon café et en attendant que mes filles se réveillent. Ils sont très souvent légers ces dessins matinaux. Les grands formats, c’est plus comme des jeux d’échecs. Mais ça reste un jeu. », explique l’artiste. Espace du corps et topographie se perçoivent dans ses dessins.

Ailleurs, contre un mur, sa première sculpture réalisée à partir de chutes de bois récoltées dans la villa Arson, à Nice, s’apparente à un animal. Cette œuvre de forme serpentine semble pouvoir être déployée dans l’espace et changer alors de volume et de silhouette. Elle est l’une des premières pour laquelle Tatiana Wolska développe sa démarche centrée sur la récupération et le bricolage, qui tire son origine dans son histoire personnelle. Dans le salon blanc, ses sculptures sur pieds composées à partir de matériaux et d’objets récupérés se découvrent progressivement, se fondant presque dans le décor. L’artiste enlève la matière pour créer. Rien ne se perd dans son travail, qui relève ainsi d’une grande économie. Ses œuvres apparaissent quelque peu inquiétantes ou dérangeantes. Elles suggèrent un possible déplacement, une métamorphose en cours. Si elles ressemblent à des animaux, elles incarnent plus, pour l’artiste, la mémoire d’un mobilier.

Son travail artistique invite à tisser des liens avec différents courants artistiques éloignés. Du dessin à la sculpture, le travail artistique de Tatiana Wolska incarne un souffle de vie, des métamorphoses et témoigne d’une capacité à faire avec des trouvailles pour donner naissance à de nouvelles formes organiques. Un certain humour se fait sentir en s’approchant de ses sculptures, qui paraissent tels des éléments vivants dans ce château. Chacune de ses œuvres incarne des possibles, des déploiements potentiels. •


Exposition “Les Variations du possible” by Tatiana Wolska
jusqu’au 20 juin 2021 at Domaine de Chamarande
38, rue du Commandant Arnoux 91730 Chamarande
chamarande.essonne.fr


Vue de l’exposition “Les Variations du possible” de Tatiana Wolska, 2021, Domaine de Chamarande © Henri Perrot

Vue de l’exposition “Les Variations du possible” de Tatiana Wolska, 2021, Domaine de Chamarande © Henri Perrot

Vue de l’exposition “Les Variations du possible” de Tatiana Wolska, 2021, Domaine de Chamarande © Henri Perrot

Vue de l’exposition “Les Variations du possible” de Tatiana Wolska, 2021, Domaine de Chamarande © Henri Perrot

Tatiana Wolska, les variations du possible
https://thesteidz.com/wp-content/languages/de-en.php