À travers une pratique interdisciplinaire fondée sur sa propre expérience urbaine, Gaby Sahhar formule des récits alternatifs qui permettent une dissociation momentanée des structures d’oppression et de normalisation contemporaines.
D’origine franco-palestinienne, Gaby Sahhar (né.e en 1992, Londres) explore l’impact feutré, et pourtant très puissant, des processus de transformation des métropoles sur ceux qui échappent aux normes. Diplômé.e des beaux-arts de Goldsmiths (University of London) en 2015, l’artiste s’inspire de son propre vécu et des dynamiques d’oppression et de standardisation pour esquisser des scénarios alternatifs. .
La somme de ces explorations se traduit sous son œil par des scènes urbaines singulières qui, bien que familières, véhiculent un sentiment d’étrangeté tout aussi particulier. Tandis que nous y reconnaissons des éléments archétypaux, les villes de Sahhar et leurs habitants semblent appartenir à un monde alien, parallèle au nôtre. Les figures qui peuplent cet univers alternatif ne sont jamais entièrement dévoilées, parfois les traits de leur visage sont absents ou vaguement esquissés ; ils nous tournent le dos ou sont voilés par la composition des peintures. Hors de portée du regardeur, ils ne semblent jamais entièrement intégrés dans leur environnement. Et voici précisément où se trouve le cœur du propos : il s’agit-là de notre expérience humaine ordinaire. Dans certains scénarios, les personnages peints par Gaby Sahhar se débattent dans une atmosphère oppressante, alors que dans d’autres, ils se montrent capables de la transcender. Enfin, l’artiste offre une sorte de miroir révélateur : ses figures essaient simplement de naviguer dans leur monde, un endroit complexe et hostile, à l’image de la société contemporaine.
Entre attraction et aliénation de l’individu, les tableaux de Gaby Sahhar nous offrent un espace suspendu : « Ce qui m’intéresse, c’est d’amener le public à vivre une expérience hors du genre ou à se sentir légèrement déconnecté de son sens du moi ou de son identité pendant quelques minutes… », explique l’artiste. Sa palette de couleurs, vibrantes quoique souvent assombries par de lourdes lignes noires qui les surplombent, contribue à créer cette tension et à transmettre un sentiment d’oppression inhérent au paysage. Lauréat.e du premier The Kooples Art Prize, Sahhar exposera son travail à l’été 2023 au MAC VAL (musée d’Art contemporain du Val-de-Marne). •
Gaby Sahhar
gabysahhar.com