Chez Derouillon, une galaxie de micro-récits

Prenant appui sur le roman Les Anneaux de Saturne (1995) de W .G. Sebald, cette exposition collective présentée au sein de la galerie Derouillon réunit plusieurs artistes internationaux traduisant la figure mélancolique et introspective du flâneur.

Dans la fiction de W. G. Sebald, le narrateur entreprend un voyage à pied dans le comté de Suffolk, sur la côte est de l’Angleterre, pour combler le vide qui s’est installé en lui après avoir terminé un important travail d’écriture. Généralement associée en astrologie aux périodes de transition et de maturation, Saturne a également été considérée, tant dans l’art que dans la littérature populaire, comme la planète de la mélancolie et de l’introspection. Face à des paysages solitaires et à de petites villes côtières, le narrateur retrouve les traces d’un passé qui le ramène au monde dans son ensemble, encadré par une multitude d’époques, d’espaces et de personnages.

“Les Anneaux de Saturne”, exposition qui se tient actuellement à la galerie parisienne Derouillon, nous invite à participer activement à l’histoire de Sebald. Comme dans le récit de l’écrivain allemand, notre promenade dans l’unique pièce de la galerie s’avère animée par de nombreux personnages, ainsi que par les anecdotes et les souvenirs qu’ils révèlent. Ainsi, les figures lumineuses peintes par Tal Regev (née en 1985, Angleterre) oscillent entre fiction et réalité avec leurs couleurs délicates, menaçant de disparaître à tout moment. D’un autre côté, les peintures d’Alma Feldhandler (née en 1996, France) nous montrent d’étranges figures dans une brume de couleurs, aux contours flous, comme si elles reflétaient un souvenir fané. Vojtech Kovarik (né en 1993, République tchèque), quant à lui, met en scène la figure du héros mythique retrouvant son humanité, convoquant mythologie, propagande politique et imagerie contemporaine. 

En revanche, les figures humaines ne sont pas les seules à prendre corps parmi toutes ces œuvres. Les artistes exposés ici, de même que Sebald, nous suggèrent de percevoir notre entourage sous un nouveau jour. Dans les peintures de Shuo Hao (né en 1991, Chine), par exemple, on trouve des signes non humains, comme en métamorphose, pris dans des relations tumultueuses. L’artiste chinois s’inspire des représentations traditionnelles des mythes pour les confronter à une vision contemporaine du monde. Des éléments issus de la nature, comme une gigantesque fleur que l’artiste Antonia Brown (née en 1989, Afrique du Sud) a déposée à nos pieds, se placent dans un environnement qui n’a rien à voir avec le sien. Brown nous invite à nous demander comment elle est arrivée là, la transformant en un contenant d’histoires.

Les artistes précités, ainsi qu’Anastasia Bay (née en 1988, France), Santiago Evans Canales (né en 1996, Mexique) et Alex Foxton (né en 1980, Angleterre) montrent que le caractère cyclique de la planète et le hasard des rencontres se répondent, nous présentant une galaxie de micro-récits. À travers les histoires des autres, le spectateur est invité à examiner ses propres sentiments et à faire un voyage en lui-même.


Exposition collective “Les Anneaux de Saturne”
Jusqu’au 25 février 2023 at Derouillon
13, rue de Turbigo – 75002 Paris
galeriederouillon.com


“Les Anneaux de Saturne”, vue de l’exposition, 2023, courtesy of the artists and Galerie Derouillon

“Les Anneaux de Saturne”, vue de l’exposition, 2023, courtesy of the artists and Galerie Derouillon

“Les Anneaux de Saturne”, vue de l’exposition, 2023, courtesy of the artists and Galerie Derouillon

Shuo Hao, Cinq choses et le gardien, 2022, courtesy of the artist and Galerie Derouillon

Tal Regev, Into Her, 2022, courtesy of the artist and Galerie Derouillon

Shuo Hao, Cinq choses et le gardien, 2022, courtesy of the artist and Galerie Derouillon

Anastasia Bay, Le Songe, 2022, courtesy of the artist and Galerie Derouillon

Chez Derouillon, une galaxie de micro-récits