À la Fondation Beyeler, l’American way of life selon Wayne Thiebaud

Méconnu en Europe, le peintre américain Wayne Thiebaud a développé un langage pop très personnel, à mi-chemin entre le réalisme et l’ironie. À Bâle, la Fondation Beyeler lui rend hommage avec une exposition rétrospective célébrant sa pratique unique de la couleur.

Malgré le regain de visibilité de la peinture figurative, Wayne Thiebaud (1920–2021, États-Unis) a rarement été exposé en Europe et les collections publiques dans lesquelles ses œuvres sont présentées restent peu nombreuses. Pourtant, il est l’un des principaux représentants de l’art figuratif américain et s’inscrit ainsi dans la tradition de peintres tels Edward Hopper et Georgia O’Keeffe. L’exposition à la Fondation Beyeler regroupe une soixantaine de tableaux et de dessins de l’artiste, dont un grand nombre de natures mortes, de portraits et de paysages urbains, ruraux et fluviaux. Les compositions de Thiebaud sont ancrées dans le quotidien, mettant en scène des objets aux couleurs éclatantes tels que des distributeurs de chewing-gum, des cornets de glace, des machines à sous, des gâteaux, des peluches et des autoroutes californiennes. Par sa palette pastel et ses contrastes tout en douceur, ses tableaux saisissent par une aura envoûtante qui reflète les États-Unis de l’époque, ainsi que les promesses de l’American Way of Life.

Wayne Thiebaud a toujours eu un vif intérêt pour les bandes dessinées et les dessins animés, ce qui l’a amené à travailler plusieurs années dans le département d’animation des Walt Disney Studios, puis en tant que graphiste publicitaire et dessinateur commercial. Cela explique son intérêt pour les objets issus de la culture populaire, ainsi que sa finesse pour choisir des motifs qui parviennent à amuser et à faire sourire. C’est pourquoi, au premier coup d’œil, ses tableaux peuvent sembler caricaturaux. Mais en y regardant de plus près, on constate que ses peintures dissimulent une sorte de désolation ou de tristesse qui nous ramène à la nostalgie de quelque chose que nous ne pouvons plus posséder ou expérimenter. Les portraits et les paysages de Thiebaud présentent également une grande affinité avec les natures mortes de l’artiste : malgré leurs représentations colorées et apparemment triviales, elles ont quelque chose de vertigineux qui nous fait prendre conscience du passage du temps.

Au-delà de leur caractère mélancolique, ses compositions évoquent quelque chose d’ironique et d’instable. Une certaine absurdité beckettienne est omniprésente dans ses natures mortes, ses portraits et ses paysages. La représentation minimaliste propre à l’artiste semble être associée à une volonté d’exprimer une espèce de pessimisme sur la condition humaine. Ainsi, sa peinture se présente comme une sorte de promesse impossible, où rien ne semble naturel. Ses représentations idéalisées possèdent un fort pouvoir de séduction, grâce auquel Thiebaud parvient à démasquer la nature prétendument inoffensive des aliments et des objets qui nous entourent, et à rendre compte de notre comportement consumériste et déshumanisant à leur égard. 


Exposition rétrospective “Wayne Thiebaud”
Jusqu’au 21 mai 2023 at Fondation Beyeler
Baselstrasse 101 – CH-4125 Riehen/Bâle
fondationbeyeler.ch


Wayne Thiebaud, Eating Figures (Quick Snack), 1963, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich

Wayne Thiebaud, Two Paint Cans, 1987, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich © Matthew Kroening

Wayne Thiebaud, Girl with Pink Hat, 1973, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich © Katherine Du Tiel

Wayne Thiebaud, Three Cones, 1964, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich

Wayne Thiebaud, 35 Cent Masterworks, 1970−72, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich

Wayne Thiebaud, Flood Waters, 2006-2013, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich

Wayne Thiebaud, Pie Rows, 1961, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich © Matthew Kroening

Wayne Thiebaud, Student, 1968, courtesy of Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich © Katherine Du Tiel

À la Fondation Beyeler, l’American way of life selon Wayne Thiebaud