Qui est Rachel Fleminger Hudson, artiste éprise de culture mode exposée à la MEP ?

Lauréate du Prix Dior de la Photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents 2022, Rachel Fleminger Hudson investit le Studio de la MEP, à Paris, pour une première exposition personnelle traversée d’une nostalgie seventies.

Regarder vers l’arrière, observer les modes passées : la photographie de Rachel Fleminger Hudson s’épargne, en toute modestie, de saisir le monde contemporain. Bien au contraire, la jeune artiste britannique, née en 1997 et fraîchement diplômée de la Central Saint Martins à Londres, s’emploie à tricher avec l’histoire, toujours tentée d’examiner dans son rétroviseur les styles et les tendances révolues, en particulier celles des années 70. À travers ses clichés, la photographe réactive toute la noblesse acquise par le médium en cette période qui continue de se libérer du noir et blanc documentaire pour investir une approche toujours plus iconoclaste, contiguë à l’explosion de la mass culture et des industries culturelles. Mode, publicité et médias de l’époque participent de la transition d’une société moderne, ancrée dans un culte de l’authenticité, vers une postmodernité basée sur la reproduction et le simulacre, le paraître et la représentation. « Je m’intéresse aux années 70 pour leurs tensions sociétales et les contradictions de la cuspide moderne / postmoderne, qui se matérialisent dans la mode. Dans ce cadre, j’explore l’identité sous-culturelle, la performativité, les cultures “haute” et “basse”, le féminisme, les masculinités et la culture de la consommation. Toutefois, je veille à ne pas glorifier ou assainir le passé, et vise à le reconfigurer dans un contexte présent. », avance-t-elle.

Dans ses portraits exposés à la Maison Européenne de la Photographie, Rachel Fleminger Hudson convoque un imaginaire fondé sur l’esthétique des seventies. Refusant la capture du réel et de l’aujourd’hui, elle reconstitue de faux clichés d’époque en prenant soin d’intégrer divers indices temporels, placés au second plan comme des anecdotes folkloriques, des signes d’une atmosphère évaporée. Dans l’une de ses photographies représentant un groupe de jeunes fans de football, appuyés contre ce qui semble être la rambarde d’une tribune de stade, ce faux bond dans le passé est rendu visible par l’accoutrement des modèles : se repèrent, au fil du décryptage iconographique, une accumulation de badges vestimentaires — ornés de typographies fantaisistes ou de visages d’idoles comme John Travolta —, des figures grimées et coiffées selon une mode qui appartient au temps des Beatles, et des vêtements piochés dans un vestiaire rétro plutôt désuet, motifs pied-de-poule et col pelle à tarte à l’appui.

Si tant de soin est porté à l’élaboration physique de ses sujets, c’est parce que Rachel Fleminger Hudson aime à conjuguer sa pratique avec la psychologie de l’individu, foncièrement liée aux référents identitaires dont le vêtement — qu’elle désigne « costume » — fait partie. « Le costume développe un langage symbolique souvent négligé, qui pour moi est aussi significatif et révélateur que le discours ou la cinématographie. », justifie l’artiste. En étudiant les écrits postmodernes des théoriciens Fredric Jameson, Jean Baudrillard et Heike Jenss, la photographe traduit visuellement l’influence de la mode sur la condition socio-culturelle et l’expression de soi. Par l’image, elle inspecte ainsi une histoire, rétrospective et contemporaine, construite sur la culture vestimentaire ; par l’acte de photographier, elle met en exergue l’importance du message que fait passer le vêtement. Ce leitmotiv imprègne ses portraits shootés en studio, humblement inspirés de l’iconographie des magazines de mode rétro : des compositions éditorialisées aux attitudes exaltées des modèles, leur formule flirte avec la rigueur de ses aïeux tels que Peter Knapp, Richard Avedon et Miles Aldridge. À leur tour, parfumées de cette esthétique passée, les photographies de Rachel Fleminger Hudson pourraient aisément se feuilleter dans les pages d’un Harper’s Bazaar ou d’un Vogue vintage, plutôt que celles d’un Dazed ou d’un Cultured avec qui elle collabore aujourd’hui. Mais qu’importe la date du support, émanera toujours de ses images l’odeur nostalgique du papier glacé.


Exposition “Rachel Fleminger Hudson”
Jusqu’au 1er octobre 2023 at Maison Européenne de la Photographie
5-7, rue de Fourcy – 75004 Paris
mep-fr.org


Rachel Fleminger Hudson © Luca Ward, 2022

Rachel Fleminger Hudson, Sans titre © Rachel Felminger Hudson

Rachel Fleminger Hudson, Sans titre © Rachel Felminger Hudson

Rachel Fleminger Hudson, Sans titre © Rachel Felminger Hudson

Rachel Fleminger Hudson, Sans titre © Rachel Felminger Hudson

Rachel Fleminger Hudson, Sans titre © Rachel Felminger Hudson

Qui est Rachel Fleminger Hudson, artiste éprise de culture mode exposée à la MEP ?