Puisant son inspiration dans la “surmodernité” définie par l’anthropologue Marc Augé comme une “surabondance événementielle, spatiale et l’individualisation des références”, la seconde exposition de Valentin van der Meulen a réuni des images aux médiums trompeurs qui, par leurs textures, engendrent de nouveaux récits.
En réaction à la saturation visuelle que l’on peut aisément expérimenter sur les réseaux sociaux, abondants de vidéos et de photographies, ainsi que dans tous les espaces publics placardés de publicités toujours plus diverses et régulièrement renouvelées, Valentin van der Meulen (né en 1979) invite le visiteur à se pencher sur une iconographie apparemment anodine, sur son mode d’apparition. L’artiste use de quelques astuces répétées pour engager le regard. Il sélectionne un nombre restreint de clichés dans ce monceau d’images, afin de réarranger et d’interroger les éléments qui les constituent et se perdent, malgré tout, dans la société du spectacle.
L’interrogation est double, et porte sur ce que l’artiste nomme la “qualité” d’une image. À savoir, en premier lieu, le poids de ce qui s’y trouve représenté, et l’attention ainsi suscitée. Les photographies sélectionnées sont d’anciennes images dont la fonction était devenue illustrative, adossée à un texte, ou au mouvement même de la frénésie du défilé numérique et publicitaire. Elles reposaient sur ce qui les entouraient : le contexte d’un article de journal, ou d’une société de consommation aguicheuse. Une fois décontextualisées, les images rejoignent un nouveau système imaginé par Valentin van der Meulen. Ce système vise à pousser le regardeur à réapprendre à voir, en commençant par les détails d’une bouche, d’un visage masqué de bleu, faisant dériver le regard vers le détail d’une coiffure, d’un poignet, des plis d’un costume mal coupé lorsqu’il est en mouvement…
Cette part belle donnée à l’anecdote, dont les effigies sont multipliées dans l’espace d’exposition sur des panneaux de bois, ou agrandies à une échelle exagérée, semble cependant être le moyen par lequel Valentin van der Meulen nous prend par la main. L’intérêt pour les images de masse, hérité du Pop Art et du goût consommateur des années 1980, vise ici à souligner un intérêt manifeste pour la matière des images, autre aspect de leur “qualité”. Un regard trop pressé s’y tromperait facilement, l’exposition ne compte pas de photographie, et les images extraites ont été reproduites au fusain, manière désuète de traduire l’intention de l’artiste, cherchant à nous faire ressentir les images par leur texture autant que par l’infinité de détails qui constitue chaque sujet représenté. Par le biais d’une technique picturale ancienne et de références au XXe siècle, Valentin van der Meulen affirme l’importance — peut être immémoriale — du processus de déconstruction des images, aussi apparemment insignifiantes soient-elles. •
Exposition “Non-Lieux” by Valentin van der Meulen
at Galerie Strouk
5, rue du Mail – 75002 Paris
stroukgallery.com