Explorant le rapport complexe entre photographie, mémoire et vérité, Valentin Fougeray révèle sa série “Chantal”. Un ensemble d’images gouvernées par le flou et la couleur, en hommage à sa grand-mère disparue.
À travers ce projet photographique composé de dix-huit images dans son ensemble, Valentin Fougeray (né en 1989) étudie la complexité de la mémoire et du souvenir par le prisme du flou. Tirant le fil d’une histoire personnelle, celle de sa grand-mère paternelle Chantal — dont le prénom intitule la série —, il figure la perception dérivée de la maladie d’Alzheimer dont elle était atteinte avant qu’elle ne disparaisse. Dès lors, le photographe explore la fuite des souvenirs à travers des images estompées, à demi effacées, voire totalement évaporées, qui se matérialisent par des flous colorés s’imprégnant parfois d’une totale abstraction. À propos de son projet, Valentin Fougeray exprime ses interrogations qui l’ont mené à s’orienter vers ce leitmotiv : “L’image fait appel à une mémoire collective et individuelle. Mais que se passe-t-il lorsque celle-ci disparaît, lorsque les contours des souvenirs deviennent flous ? Que reste-t-il des personnes dont la mémoire s’efface ? Est-ce que leurs souvenirs deviennent des formes floues aux multiples couleurs ? Sortes de persistances rétiniennes dont les contours s’estompent peu à peu ? Il y a dans le souvenir une représentation abstraite et imparfaite de nos expériences passées. Il n’est pas rare d’en garder le meilleur, parfois le pire, seulement une image, une sensation ou encore une atmosphère. Pourtant, ce qui demeure est intrinsèquement lié à nos émotions, qui agissent comme des liens nous ramenant à nos souvenirs. La fleur, aussi symbolique soit-elle, apparaît ici comme allégorie de l’être. Des êtres physiques et psychiques que le temps, en mouvement perpétuel, ne cesse de bousculer. En absorbant les détails, les précisions qui dirigent le regard, les images éveillent la pensée et questionnent le sens. L’image devient la propriété de l’individu qui la regarde. Un chemin de pensée difficile à contrôler et qui donne place à des émotions et sensations individuelles. La mémoire n’est-elle pas, au fond, l’imaginaire d’une situation réelle ?”. En choisissant la fleur et le flou comme vecteurs visuels de la fragilité, Valentin Fougeray se transpose dans une perception sensible, vouée à la disparition. •
Valentin Fougeray
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