Bryce Delplanque : “La peinture est d’abord un objet”

Jusqu’au 30 octobre, Bryce Delplanque, artiste diplômé de la Villa Arson et résident chez Poush, occupe les espaces du Drawing Hôtel avec “Pears & Bills”, une exposition qui questionne notre rapport aux objets et aux espaces domestiques.

Dans le hall d’entrée, se déploie une des pièces maîtresses de l’accrochage : Texas Tea (2023). Un ensemble de pommes et de poires jouxte un bouquet de fleurs réalisé au fusain. L’œuvre s’inscrit dans une forme de filiation revendiquée par des références évidentes aux natures mortes du 17e siècle hollandais et français. On pense à Jacob van Es, Lubin Baugin et Pierre Dupuis. Bryce Delplanque (né en 1993) est fasciné par la nature morte, genre délaissé au début du 19e siècle au profit de la peinture d’histoire avant d’être le support d’une révolution artistique avec la génération impressionniste. À Cézanne, pourtant connu pour ses Natures mortes aux pommes, l’artiste préfère Fantin-Latour. Il voue une admiration pour le peintre, un intérêt pour le regard qu’il porte sur son intérieur et les éléments qui composent poétiquement son quotidien. Il reprend à son compte la figuration naturaliste des fruits et les reproduit à l’identique. L’artiste n’entend pas produire d’images mais reprendre celles qui peuplent notre mémoire collective pour avoir illustré bon nombre d’ouvrages d’histoire de l’art. Dans Texas Tea, un plateau surgit dans l’espace pictural et met à mal, par le contraste dissonant de la couleur et de la technique employées, l’équilibre fragile de la composition.

Depuis ses recherches menées dans le cadre de son mémoire de fin d’étude aux Beaux-Arts, Bryce Delplanque puise dans la culture extra-occidentale un catalogue de motifs iconographiques. Il trouve, grâce aux œuvres d’Utagawa Kuniyoshi — l’un des derniers grands maîtres japonais de l’estampe sur bois du 19e siècle —, une manière nouvelle d’établir la perspective. Ses peintures sont le fruit d’assemblages. Un objet, tiré d’une estampe japonaise ou du catalogue d’images de la bibliothèque numérique de la BnF, entre en dialogue avec les éléments plus classiques de l’ensemble. Dans Pears and Bills (2023), on s’amuse de trouver là, presque comme une idée saugrenue, un service à thé à la anse mauve sur une table dressée de blanc et sur laquelle figurent, en un camaïeu de gris et d’anthracite, quelques poires et trois grenades. Un couteau, disposé au devant de la composition, reproduit la même oblique que le plateau et dynamise le tableau. Plus loin, sur les étagères d’une bibliothèque, un caisson en bois présente sur une face illuminée la variante d’une composition de poires. C’est une des lampes conçues à partir d’un motif extrait d’un tableau, une fois encore, de Fantin-Latour (Nature morte, primroses, poires et grenades, 1866). Plus loin, se détachant à peine du mur en lambris, un socle sur lequel trône, comme en prolongement, le même dispositif, ici un bouquet de fleurs (Nature morte aux fleurs et aux fruits, 1866). “La peinture est d’abord un objet”, déclare l’artiste. Par les châssis que le peintre crée, d’une épaisseur rarement vue dans un espace d’exposition, les tableaux tendent à une forme hybride, entre peinture et sculpture. Leur matérialité, concrète, physique, étonne dans la salle attenante, pensée comme un lieu de vie, de restauration et de coworking pour les clients de l’hôtel. Bryce Delplanque emploie la peinture non comme un médium mais comme un outil au service de la reproduction d’images. Choix audacieux que de privilégier la nature morte au profit de la figuration humaine et des scènes de la vie quotidienne pourtant au cœur du “retour” à la peinture figurative observé ces dernières années. 


Exposition “Pears and Bills” by Bryce Delplanque
Jusqu’au 30 octobre 2024 at Drawing Hotel
17, rue de Richelieu – 75001 Paris
drawinghotel.com


Bryce Delplanque, Pears and Bills, 2024. Courtesy de l’artiste et du Drawing Hotel (Paris).

Bryce Delplanque, Growing Pansies, 2024. Courtesy de l’artiste et du Drawing Hotel (Paris).

Bryce Delplanque, Bunch of Tulips and China, 2024. Courtesy de l’artiste et du Drawing Hotel (Paris).

Bryce Delplanque, Texas Teas, 2024. Courtesy de l’artiste et du Drawing Hotel (Paris).

Bryce Delplanque : “La peinture est d’abord un objet”