L’artiste britannique (né en 1981, Bristol) présente, chez Perrotin, sa première exposition à Paris. Du collage à la sérigraphie, jusqu’à la peinture, Nick Goss crée son propre vocabulaire plastique qui repose sur des scènes silencieuses, évidées de toute présence humaine.
Dans vos images, les scènes que vous représentez ont une essence photographique, voire cinématographique. Quel est le point de départ de votre pratique ?
Nick Goss : Ce point de départ est généralement quelque chose qui attire mon attention lorsque je me promène en ville. J’essaie de prendre un cliché avec mon téléphone ou, si ce n’est pas possible, de faire une esquisse approximative lorsque je suis de retour à l’atelier. Souvent, il s’agit d’un simple regard jeté à travers la vitrine d’un magasin ou la porte entrouverte d’un bar ou d’un restaurant. Pour le projet que je présente chez Perrotin, je savais que je voulais peindre une île, en partie imaginaire, en partie basée sur un lieu réel. Un monde fictif faisant étrangement écho à un endroit semble-t-il familier, comme sorti de notre propre monde. Je me suis donc rendue à Margate, dans le Kent, et j’ai pris des photographies des hôtels, restaurants et bars de bord de mer qui sont omniprésents dans cette partie du monde. J’ai ensuite assemblé ces photographies contemporaines avec d’autres recherches concernant une île qui existait au large des côtes britanniques il y a 600 ans. J’avais trouvé ces images d’archive à l’Institut Warburg, dans le centre de Londres. […]
Considérez-vous ces scènes comme des toiles de fond passives ou dans l’attente d’une action quelconque ?
Nick Goss : Je pense qu’il y a un peu des deux, l’intention initiale étant de trouver des lieux qui sont chargés de potentiel, des endroits suffisamment ouverts pour pouvoir supporter plusieurs couches de narration, des endroits qui expriment des sortes de limbes : les ports, les bars et les restaurants, les zones entre terre et eau qui contiennent déjà des récits et des histoires multiples.
À travers une certaine fragmentation, vous tourmentez l’esthétique des objets et des sujets. Techniquement, comment utilisez-vous la peinture pour y parvenir ?
Nick Goss : Je pense que cela commence dès l’étape préparatoire au fusain. Même si les images proviennent de photographies observées, le croquis est devenu chez moi un moyen de provoquer une image, de trouver les angles et les fragments qui indiquent une sorte de désintégration et d’entropie. Je suis de plus en plus influencé par les dessins de Max Beckmann, leurs perspectives bizarres, leurs objets étranges et dentelés qui brisent les compositions. À ce stade précoce, je découpe des magazines, des journaux et des morceaux de textile trouvés que j’ajoute simultanément à la composition pour contrebalancer ou déstabiliser l’image. […]
Nick Goss : Oui, je suppose que cette vision du monde se retrouve dans un certain nombre de mes peintures. Quand j’étais plus jeune, j’ai lu beaucoup de Camus et de Kafka. […] Je pense que mes peintures expriment souvent le fait d’être pris dans des sortes de limbes, des espaces qui ont été récemment évidés ; nous sommes laissés avec des traces qui doivent être recomposées. Dans l’exposition présentée chez Perrotin à Paris, il y a aussi des peintures portant sur une croyance sociétale comme religieuse plus globale, qui interrogent notre place dans un système de croyance plus vaste et plus intégral.
Nick Goss : Je suis souvent attiré par les espaces où les gens se rassemblent, se rencontrent et jouent, mais qui, pour une raison ou une autre, ont été récemment désertés. […] Nous pouvons projeter des émotions et des traits de caractère sur des objets inanimés, à tel point qu’ils donnent l’impression d’avoir leur propre vie. J’aime l’idée du « son » d’une peinture. Pour moi, toutes les oeuvres ont une qualité unique de bourdonnement, une pulsation électronique subtile. Souvent, les scènes représentées dans mes œuvres évoquent un type de silence ou de son ambiant, une batterie récemment percutée sur le front de mer, le son d’un bar karaoké lorsque les microphones sont branchés, que la musique joue, mais que le protagoniste vient de quitter la scène. […] •
Exposition “Isle of Thanet” by Koak
Jusqu’au 21 septembre 2024 at Perrotin Paris
76, rue de Turenne – 75003 Paris
perrotin.com