À la galerie Les filles du Calvaire, Léo Fourdrinier (né en 1992, vit et travaille à Toulon) présente sous le commissariat de Gaël Charbau un solo show sous le signe d’une catharsis poétique et scientifique, empruntant les voies infinies du cosmos et du sentiment amoureux.
Non seulement arts et sciences s’enrichissent, comme le relève Bachelard dans La Psychanalyse du Feu (1938), mais le fonctionnement parfois accidentel de la trouvaille, esthétique et théorique, leur est commun, de même que la référence antique fondatrice : on en revient toujours à Euclide, y compris quand on prétend s’aventurer dans les espaces non-euclidiens, ou à la mythologie, grâce laquelle la figuration libre a osé un (énième) retour à la peinture figurative, au début des années 1980. C’est cette sérendipité post-antique qu’explore Léo Fourdrinier dans son exposition « Poems Hide Theorems ».
Dans une combinatoire de médiums (néon, plâtre, bronze, marbre de Carrare) qui converge vers l’installation ou la sculpture, les réactifs mis en jeu par Léo Fourdrinier sont, d’un côté, des débris et fragments tirés de la vie quotidienne dans une société médiatique et des loisirs (lustre en laiton, carcasses de moto, combinaison BDSM, citation d’un refrain de Gala) ; de l’autre, des tirages et moulages de ou d’après l’antique ou la Renaissance (Vénus de Vienne, Vénus de Milo, buste d’Antinoüs) ou des éléments minéraux (cristal, roche), tant il est vrai, dans le sillage de Barthes, que de la déesse à la DS, la production industrielle motorisée n’a rien à envier à celle des statuaires copistes. Du vocabulaire de cette matériauthèque jaillissent des rapprochements langagiers inattendus, autant de choix grammaticaux qui conduisent à des zeugmas ou haïkus visuels.
La suite de l’expérience exploite aussi bien l’impact infime des accélérateurs de particules, rendu visible par la boule-miroir qui percute et déforme le visage d’Aphrodite (Gravity) ou le néon qui suture la pierre des Étoiles déprimées, inspiré par une collaboration scientifique et théorique avec l’astrophysicien Arthur Le Saux, que les équilibres à l’œuvre dans l’infiniment grand : dans MATER III (Patience dans l’azur), les premiers instants de l’univers décrits par Hubert Reeves arrêtent le mouvement repris du Triomphe de Florence sur Pise de Giambologna, tandis que dans L’envol et la pesanteur, la pomme évoque aussi bien Newton que le jugement de Pâris. La plasticité du plâtre assure l’absorption du choc de la sérendipité et la liaison post-antique des différents éléments, classiques et technologiques, tout comme Rodin insérait certains de ses essais en plâtre dans sa collection de vases grecs, ou composait de nouvelles œuvres à partir de tirages, toujours en plâtre, des précédentes (Les Trois Ombres) : « la mythologie, écrit-il, n’existe qu’en tant que gardienne des souffrances éternelles, des joies éternelles qui doivent être recréées à chaque fois par l’artiste ».
Nîmois dont les premiers contacts muséaux ont été avec l’antiquité, Léo Fourdrinier la convoque lui aussi pour son répertoire formel et fragmentaire, invitation à la métamorphose et la rencontre, mais également pour sa puissance d’évocation du cosmos, à une échelle macro qui est aussi celle du néon à la brillance stellaire. L’irruption dans cette gypsothèque originelle d’une « motopoétique » assumée, pour reprendre le néologisme de Paul Ardenne, montre que l’attirance entre deux êtres peut être aussi définitive que les lois tutélaires de la gravité. •
Exposition “Poems Hide Theorems” by Léo Fourdrinier
Jusqu’au 2 novembre 2024 at Galerie Les Filles du Calvaire
21, rue Chapon – 75003 Paris
fillesducalvaire.com