Les chats post-Internet de Taewon Ahn s’exposent à Londres

La galerie londonienne Project Native Informant présente la première exposition personnelle de Taewon Ahn, artiste sud-coréen qui réinterprète l’esthétique d’Internet pour créer figures anthropomorphes et avatars mutants, interrogeant nos visions du monde à l’aune du virtuel.

Taewon Ahn (né en 1993, Séoul) produit un monde d’images hallucinées : des visages déformés, des figures mélangées, des chats glitch apparaissant sous des formes multiples… Les œuvres pourraient être des résultats de bugs informatiques, mais il s’agit de peintures et de sculptures qui brouillent les frontières entre virtualité et réalité. Si les chats ont envahi Internet, c’est du fait de leur morphologie qui leur confère un fort pouvoir d’attendrissement en jouant sur la code de l’empathie, propre à l’être humain. Ce dernier a aussi cette tendance à anthropomorphiser les expressions des autres animaux, notamment les chats auxquels il prête un panel d’émotions… notamment traduites en mèmes dont bon nombre font circuler blagues et messages sur le web. Mais les chats font également partie de nos quotidiens réels et même, depuis des siècles, de nos sphères familiales. C’est le cas de Hiro, le chat de Taewon Ahn, dont l’artiste utilise l’image pour créer des figures bizarroïdes et tridimensionnelles, exagérant la capacité initiale du félin à modifier son anatomie.

Ici, les images sont tellement déformées qu’elles défient toute loi de la nature, répondant plutôt à des lignes de codes ou des algorithmes. Les œuvres de Taewon Ahn paraissent être créées, modifiées et même altérées par des allers-retours entre réel et virtuel. En celà, les œuvres peuvent être affiliées au mouvement post-Internet qui a émergé dans les années 2000. Des artistes appréhendent alors le web avec une approche esthétique mais aussi critique, considérant ce que ces évolutions technologiques et numériques font sur nos rapports sociaux, nos manières de penser, d’échanger, mais aussi de consommer. 

Chez Taewon Ahn, les œuvres réinterprètent des identités brouillées : les chatons sortent des écrans mais de manière totalement déformée, insensée, perturbant nos repères habituels. Les pixels se brouillent et forment des sculptures sans queue ni tête, mais qui restent tout de même figuratives, assez pour qu’on y reconnaisse un chat, un être humain, quand les deux ne sont pas mélangés. C’est comme si la bulle virtuelle avait explosé et s’était emmêlée à notre propre réalité. Le virtuel dépasse l’écran pour se matérialiser dans la matière, le monde physique et réel. Mais celà peut aussi être l’inverse : les peintures des visages humains déformés, donnent l’impression que des âmes ont été vendues non pas au diable, mais aux algorithmes. D’ailleurs, le virtuel ne serait-il pas un poil diabolique, par exemple dans ce qu’il entraîne par rapport à notre prise sur le réel, nos liens avec la nature ? Ainsi, quand nous utilisons des ressources en ligne, nous faisons appel à des serveurs et à une pollution invisible qui altère notre planète. C’est peut-être à cette attention qu’engagent, de manière sous-jacente, les œuvres de Taewon Ahn, en montrant ce monde fantasque, où le chaton attendrissant devient un monstre troublant. Et où le principe même d’identité est mélangé, brouillé, comme si nous avions voulu dématérialiser nos êtres entiers, nos propres corporalités.


Exposition « Taewon Ahn. Sync »
Jusqu’au 24 mai 2025 chez Project Native Informant
Unit 1, 48 Three Colts Lane – Londres E2 6GQ
projectnativeinformant.com


Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Taewon Ahn, In the box, 2025, uréthane et acrylique sur PLA, 12 × 12,5 × 19,5 cm. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Taewon Ahn, In the box (détail), 2025, uréthane et acrylique sur PLA, 118 × 13 × 19,5 cm. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Vue de l’exposition « Sync » de Taewon Ahn, Project Native Informant, Londres, 2025. Courtesy de l’artiste et de Project Native Informant. 

Les chats post-Internet de Taewon Ahn s’exposent à Londres