Chez Ciaccia Levi, l’exposition polymorphe de Zoe Williams

Poursuivant sa réflexion autour des qualités fétichistes du matériau, Zoe Williams présente un nouveau corpus d’œuvres au sein de sa galerie parisienne Ciaccia Levi. Céramique, verre et vidéo s’y imposent comme les catalyseurs d’une narration folklorique construite de toute pièce.

Avec “Tendresse Tendril”, Zoe Williams (née en 1983) explore une nouvelle fois les possibilités plastiques et les codes esthétiques qui émanent de matériaux nobles. La céramique émaillée — qui imprègne sa pratique depuis plusieurs années déjà — s’inscrit dans une exploration matérialiste à travers deux bustes et une sculpture murale dont les surfaces sont excessivement nourries par des reliefs détaillés. Point commun de ces trois portraits, leur titre, où l’on comprend que Zoe Williams dresse un “portrait de famille” autour d’un(e) certain(e) Algol, véritable nom donné à une étoile de la constellation de Persée. On retrouve ainsi la maîtresse, la servante et le confident, tous dotés de chevelures richement travaillées ; à la manière d’une pièce de théâtre, la plasticienne dresse un tableau en volumes où le vert prédomine. Les visages, traités dans leur format comme des attributs de travestissement entre la perruque et le masque, semblent corrodés par le trop-plein de détails ornementaux qui les recouvre. Un paradoxe qui fait partie intégrante du travail de l’artiste britannique, toujours intéressée par l’ambiguïté qui réside entre la dimension décorative, voire précieuse, de la céramique et qu’elle remet en question à travers des figures déroutantes et hybrides. 

De cette perméabilité entre fascination et détournement, Zoe Williams compose avec des matières artisanales comme le verre de Murano. Ce dernier façonne la pièce Tendresse gaze votives (wrath), paire d’yeux figés et pleurants incrustée sur l’un des murs immaculés de la galerie et qui semble regarder fixement le visiteur à la manière d’un jugement, d’une menace ou d’un appel à l’aide. Au milieu de ce folklore propre à l’artiste, la présence humaine et par extension des entités organiques est sans cesse questionnée, parasitée. En témoigne notamment le film Tendresse, Tendril (Worms’ Meat) qui associe des éléments vivants comme des anémones de mer, de l’eau ou des parties de corps humains mis en scène dans une épopée contemplative.  “L’utilisation de l’image haute définition agit comme un contrepoint à la richesse naturelle de mes objets ’faits main’ et renforcent la fusion maladroite entre temporalité et matérialité.”, précise-t-elle en justifiant sa pratique. En définitive,  avec “Tendresse Tendril”, Zoe Williams compose un écosystème multimédia polymorphe lié par une dominante de teintes vertes qui évoque aussi bien l’artificiel que la maladie ou la nature. Une sorte de mythologie personnelle, à la croisée du cosmique et du réel, repoussant les limites esthétiques du médium traditionnel. •


Exposition “Tendresse Tendril” by Zoe Williams
Jusqu’au 29 janvier 2022 à la galerie Ciaccia Levi
34, rue de Turbigo 75003 Paris
ciaccialevi.com


Vue de l’exposition “Tendresse Tendril” de Zoe Williams, 2021-2022, galerie Ciaccia Levi, Paris © Aurélien Mole

Vue de l’exposition “Tendresse Tendril” de Zoe Williams, 2021-2022, galerie Ciaccia Levi, Paris © Aurélien Mole

Zoe Williams, Algol’s Mistress, 2021, céramique émaillée, 50 × 48 × 22 cm, courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi © Aurélien Mole

Zoe Williams, Algol’s Mistress, 2021, céramique émaillée, 50 × 48 × 22 cm, courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi © Aurélien Mole

Zoe Williams, Tendresse gaze votives (wrath), 2021, verre de Murano, 7 × 22 × 1 cm (installation), courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi © Aurélien Mole

Zoe Williams, Algol’s Confidant, 2021, céramique émaillée et mousse végétale, 40 × 23 × 18 cm, courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi © Aurélien Mole

Vue de l’exposition “Tendresse Tendril” de Zoe Williams, 2021-2022, galerie Ciaccia Levi, Paris © Aurélien Mole

Zoe Williams, Tendresse, Tendril (Worms’ Meat), 2021, film HD 4K HD, animation CGI, son, 7′ 05”, courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi

Zoe Williams, Tendresse, Tendril (Worms’ Meat), 2021, film HD 4K HD, animation CGI, son, 7′ 05”, courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi

Chez Ciaccia Levi, l’exposition polymorphe de Zoe Williams