Bérénice Nouvel peint des frites et des trompe-l’œil, « pimpe » des voitures avec des messages qui annoncent l’arrivée puis la fin de l’été et propose des expositions pour chiens. L’artiste cherche à faire surgir un grincement : l’humour et la surenchère de moyens doivent toujours laisser une place pour penser le degré de naïveté dans lequel on se laisse prendre, ou non.
Ses œuvres sont toujours saupoudrées d’une forme d’humour et d’amusement, l’artiste assumant sa « volonté de défendre une attitude positive en art ». Bérénice Nouvel (née en 1997, Saint-Priest-en-Jarez) utilise des « motifs génériques » qui reviennent d’œuvre en œuvre, des objets récurrents qui sont autant de référentiels à notre société occidentale actuelle et plus particulièrement au monde de la consommation. Frites, cœurs, téléviseurs, et packagings divers sont reproduits et assemblés par couches. Il s ‘agit pour l’artiste d’utiliser des images préexistantes pour « leur capacité à capter des émotions intimes ». Plus que l’image elle-même, c’est l’affect que celle-ci produit qui intéresse Bérénice Nouvel, pour qui « les objets de consommation sont envisagés pour leur valeur anthropologique d’attachement ». L’enjeu étant ce que les motifs produisent, comment ils séduisent, l’attraction visuelle doit d’autant plus être forte. Le format, l’échelle, les couleurs utilisées doivent ainsi attraper et accrocher le regard puis « créer un impact », selon elle. Du slogan à la poésie, du crush à la relation amoureuse, les œuvres rejouent ou approfondissent ce qui est en train de se produire au-delà de la rétine du spectateur.
Plus que de dépasser, Bérénice Nouvel parle de « déplacer ». Sa production artistique induit des alternatives : alternatives aux produits, à ce qu’ils nous font ; alternatives aux lieux de monstration des œuvres. On peut croiser ses peintures mises en scène dans la nature, dans une vitrine d’une boutique, en adhésif sur une voiture ou dans l’espace public, dans la rue. L’artiste cherche à contextualiser son travail, à le rendre accessible au-delà des lieux d’exposition et à « mettre la peinture au défi ». De même que les superpositions d’éléments qui composent ses toiles, photographier les œuvres dans tel ou tel contexte est pour elle une couche supplémentaire, un « autre moyen de produire une image ». Les peintures peuvent ainsi être mise en scène avec sa chienne, Cola, qui revient tel un personnage de bande dessinée ; ou bien, des voitures peuvent devenir des peintures ambulantes et ainsi « investir l’espace quotidien » pour, éventuellement, parler au plus grand nombre.
C’est aussi une manière pour Bérénice Nouvel « d’affirmer d’où elle vient » et d’assumer ce « regard d’en bas », un prisme depuis l’intime plutôt que l’universel, un partage envisagé de manière horizontale plutôt qu’une transmission verticale. « Si des choses me touchent, elles pourront toucher d’autres personnes », affirme-t-elle. Des morceaux de la vie personnelle de Bérénice s’inscrivent dès lors dans ses œuvres, puisqu’elle est inspirée tant par l’histoire de son père, enseigniste, que des produits de consommation préférés de ses amis. Cette « autobiographie fictive » qui se tisse au fur et à mesure de son travail prend le parti pris d’une narration couchée sur le papier, un travail d’écriture qui s’imbrique à celui de la peinture… Et en renforce les aspects de sympathie et de douceur que l’on peut ressentir ici.
À travers ses œuvres, l’artiste crée un lien presque amical avec le public. Pourtant, « quelque chose de trop doux peut devenir grinçant » comme elle le dit, et Bérénice Nouvel joue avec ce degré de naïveté par lequel on peut se laisser prendre. Derrière la « reconnaissance immédiate » peuvent se faufiler les mécanismes de la tromperie : qu’ils soient visuels ou qu’ils considèrent nos affects ou intellects. Trompe-l’œil, trompe-cœur. •
Bérénice Nouvel
@berenoctambule