Nouvelle adresse pour la galerie Mendes Wood DM qui s’établit place des Vosges. Fidèle à l’esprit défricheur de ses fondateurs, son exposition inaugurale rassemble une quarantaine d’artistes et n’hésite pas à flirter avec la saturation.
En octobre, Mendes Wood DM a inauguré son adresse parisienne, la quatrième après São Paulo (ouverte en 2010), Bruxelles (depuis 2017) et New York (depuis 2022). Installée place des Vosges dans un immeuble historique du 17e siècle, la galerie présente pour l’occasion une exposition collective conçue par Fernanda Brenner, commissaire du prix de la Fondation Pernod Ricard cette année. Empruntant son titre à une citation du poète Paul Celan, « I See No Difference Between a Handshake and a Poem » se donne pour fil rouge le motif de la main et la thématique du geste, au sens large, c’est-à-dire à la fois celui qui crée et celui qui transmet, celui qui marque l’entrée en relation et celui qui permet d’appréhender la réalité.
Plusieurs artistes déjà représentés par la galerie s’inscrivent dans ce leitmotiv, auquel répondent également des talents invités et des pièces parfois inattendues, comme ce court-métrage de 1979, Les mains négatives, signé Marguerite Duras et dans lequel la voix de l’écrivaine, commentant le mystère des traces de mains peintes dans des grottes préhistoriques, se superpose à un plan séquence poétique, sillonnant Paris au petit matin. On retrouve notamment les œuvres de Jeremy Shaw dont l’esthétique documentaire et psychédélique joue d’effets de perception troublants (Towards Universal Pattern Recognition, 2023), les petits interrupteurs incrustés de photographies de Davide Stucchi, disséminés à travers toute la galerie (série Light switch), ou bien encore la grande peinture de Matthew Lutz-Kinoy, dont l’iconographie flottante évoque le mythe platonicien de la caverne (Cave Simulation as luminescent event, 2023). Plus radical, un tableau d’Erika Verzutti, épais comme un pain d’argile et creusé du bout des doigts (Caverna, 2023), renvoie aux mythes gestuels les plus anciens. Ailleurs, se découvre un cadre en cuivre de Nina Canell, rien qu’un rectangle cernant du vide, un châssis nu aux reflets irréels sur lequel on décèle en s’approchant quelques empreintes de doigts imprimés comme par magie dans la matière (Free Space-Path Loss, 2017).
L’exposition parvient ainsi à déployer son propos en abordant tous les médiums, passant des pierres gravées de Paulo Nazareth à un paysage contemplatif de Lucas Arruda, d’un film d’Yvonne Rainer aux sculptures en tissu de Sonia Gomes. Au total, une quarantaine d’artistes, peintres, photographes, sculpteurs, vidéastes, dont les œuvres saturent les deux niveaux de la galerie, installées pour certaines dans des recoins surprenants, au-dessus des portes ou au milieu de l’escalier. Et c’est là que le bât blesse. Si le parti pris offre un bel aperçu de la diversité et de l’exigence portées par la galerie Mendes Wood DM, la lecture individuelle, profonde, de chacune des pièces semble mise à l’écart. Et ne fait qu’attiser l’impatience de découvrir prochainement un premier solo show parisien. •
Exposition “I See No Difference Between a Handshake and a Poem”
Jusqu’au 25 novembre 2023 at Mendes Wood DM
25, place des Vosges – 75004 Paris
mendeswooddm.com