Incandescente et résiliente à la fois, la collection automne/hiver 2024-2025 de Bottega Veneta, présentée à la fashion week de Milan, met le vêtement à l’épreuve du feu. En insistant sur le “caractère monumental du quotidien”, celle-ci offre au vêtement un nouveau commencement à l’heure où le monde brûle.
« Dans un monde en flammes, il y a quelque chose de très humain dans le simple fait de s’habiller », indique Matthieu Blazy. Pour l’automne-hiver 2024, la nouvelle collection imaginée par le directeur de création de Bottega Veneta s’appuie sur la résilience face au climat global anxiogène qui gouverne nos actualités. « Nous regardons tous les mêmes news. Il est difficile de se sentir festifs à un tel moment. Pourtant, l’idée de renaissance est belle, aussi. […] Ici, l’élégance est résilience », poursuit-il. Ainsi, pour son défilé milanais, la maison italienne plante le décor d’un désert crépusculaire, reflet d’un monde en incandescence qui autorise, malgré tout, l’apparition de quelques cactus. Ces éléments conçus en verre de Murano — matériau récurrent chez le designer, intégré à son vocabulaire artisanal — témoignent d’un signe d’espoir et de renaissance, à l’image du vestiaire révélé.
C’est au cœur de ce podium consumé par les flammes, qu’un nouveau commencement opère. Non soumises à la destruction, les silhouettes qui défilent rendent compte d’un « certain sens de l’allure, et de l’assurance que procurent le pragmatique, l’utilitaire, la détermination ». Pour Matthieu Blazy, il s’agit d’éclairer « la façon dont le vêtement de tous les jours est perçu dans ce monde de la nuit : les silhouettes sont simplifiées et reconnaissables tels des monolithes dans l’obscurité ». Arrondies, enveloppantes, utilitaires : les pièces ne tiennent pas rôle d’armes mais acceptent, au contraire, ce terrain hostile qu’est l’environnement extérieur. Elles résistent à la disparition et revendiquent leur existence grâce à une forte matérialité ; voire leur métamorphose, par le biais de tissus effilochés qui évoquent le plumage d’un phénix.
Les graphismes et les volumes sont imposants, les cols des mailles sont hauts et protecteurs, les manteaux et les jupes se dotent de lanières frémissantes comme crépitent les flammes d’un foyer. Si la palette chromatique, elle, tend à rappeler le lien avec une atmosphère sombre, nocturne (noir carbone, orange brûlé, gris cendre, rouge écarlate…), certains motifs comme celui du serpent — repéré sur les sacs, les bijoux et les ceintures — tempèrent toute vision fataliste et s’orientent vers la mue d’un autre monde. Ce désir d’écrire la suite de l’Histoire s’exprime notamment à travers une série de pièces dont le quadrillage rappelle les lignes d’un cahier, métaphore d’une page blanche ne demandant qu’à être encrée.
Du vêtement au décor, le tableau vivant et brûlant activé par Bottega Veneta incarne, jusque dans ses sièges, la trace du feu. Éditions spéciales du tabouret LC14 signé Le Corbusier, les assises en bois roussi s’inspirent d’une technique japonaise artisanale visant à protéger naturellement la matière tout en lui octroyant un motif unique. Une déclinaison de ces tabourets sera d’ailleurs exposée à la Milan Design Week, mi-avril. •
Bottega Veneta
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