Rencontres d’Arles : 10 expositions photo à ne pas manquer

Coup d’envoi donné pour les Rencontres d’Arles 2024 : la ville camarguaise accueille jusqu’en septembre de nouvelles expositions où la photographie se déploie à travers des archives, des pratiques expérimentales et des démarches documentaires. Sélection. 

“Fashion Army” au Ground Control

Formulée à partir d’archives recensées par le Natick Soldiers Systems Center, un centre de recherche et de développement de l’armée américaine, cette sélection de photographies explore prototypes, uniformes et accessoires imaginés de la fin des années 1960 au début des années 1990. “Avec leur composition léchée, maîtrisée, et leurs fonds colorés, ces images semblent participer d’un simulacre, viser une forme d’objectivité et de prospective militaire qui questionne”, indique Matthieu Nicol, commissaire de l’exposition. En invitant un regard contemporain à relire ce corpus iconographique, l’exposition “Fashion Army” rompt avec la rigueur esthétique militaire et l’aspect anxiogène du secteur de la défense pour ricocher directement avec le style army qui s’est imposé dans la mode.   

Équipement, lunettes de protection, flash aveuglant, 1974.

Botte, 1989.

Nicolas Floc’h à la chapelle Saint-Martin du Méjan

En se saisissant des environnement aquatiques et littoraux, le photographe français Nicolas Floc’h (né en 1970) tient à rendre compte d’une “écriture du vivant”. Représentations romantiques, touches impressionnistes, éléments symbolistes : le médium photographique lui permet de faire éclore de nouvelles réalités au-delà du pur aspect documentaire. Aux Rencontres d’Arles, il expose sa série “Fleuves Océan”, dans laquelle il a suivi le parcours de l’eau dans les bassins versants de fleuves tel que le Mississippi, où il a traversé une trentaine d’États.

Nicolas Floc’h, White River, Badlands, Dakota du Sud, 2022, série “Fleuves Océan – Mississippi”. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Maubert. © Adagp, Paris.

Michel Medinger à la chapelle de la Charité

Figure majeure de la scène photographique luxembourgeoise, Michel Medinger (né en 1941) a pris cette habitude d’assembler des petits cabinets de curiosités avant d’en capturer l’image. Constituées à partir d’objets récupérés et collectés par l’artiste depuis plusieurs décennies, ces saynètes aux accents surréalistes voire dadaïstes s’inspirent de l’iconographie religieuse, populaire, folklorique. “Les associations d’objets, étranges et incongrues, qu’il imagine, fabriquent des images surprenantes, parfois inquiétantes. Des photographies où la fantaisie, l’érotisme et la mort se côtoient en permanence. […] Ses œuvres-allégories célèbrent à la fois la précarité, la fragilité et la beauté de l’existence.”, souligne Sylvie Meunier, la commissaire de cette exposition intitulée “L’Ordre des choses”.

Michel Medinger, Hommage à Max Ernst. Courtesy de l’artiste et de AUTAAI. Collection du Centre national de l’audiovisuel (CNA).

Debi Cornwall à l’Espace Monoprix

Depuis une dizaine d’années, Debi Cornwall (née en 1973) s’intéresse aux récits et formes de fictions que l’Amérique véhicule. En manifestant un œil documentaire, elle impose des compositions nettes et maîtrisées qui privilégient l’impact visuel à l’information brute, originelle. Dans son exposition “Citoyens modèles”, elle présente deux séries d’images qui abordent cette thématique à travers des situations de jeux de guerre immersifs, des camps d’entraînement, des rassemblements politiques ou encore des musées d’histoire. Une forme de topographie militarisée rendue visible par l’image, adoucie par l’esthétique de l’artiste.

Debi Cornwall, Fumigène. Centre de combat terrestre et aérien des Marine Corps. Twentynine Palms, Californie, 2018, série “Fictions nécessaires”. Courtesy de l’artiste.

Bruce Eesly à Croisière

La révolution verte est l’inspiration première de ce corpus d’images signé Bruce Eesly (né en 1984). Empruntant une esthétique photographique des années 1960, et en particulier celle des illustrations de rapports d’activités agricoles témoignant de la prospérité du milieu, ces prétendus clichés sont élaborés à partir d’une intelligence artificielle qui contrebalance la fierté d’une production humaine abondante : les légumes imagés sont exagérément gros, laissant penser à des OGM, ou font l’objet de sommets politiques à la manière de denrées stratégiques. Avec “Le fermier du futur”, Eesly fait tant un clin d’œil à une société agricole en perte de vitesse à l’heure de la surindustrialisation que des nouvelles technologies comme l’IA qui trompent le regardeur sur l’authenticité du réel.

Bruce Eesly, Peter Trimmel remporte le premier prix pour son fenouil UHY au Kooma Giants Show à Limbourg, 2023, série “Le fermier du futur”. Courtesy de l’artiste.

Ishiuchi Miyako à la salle Henri-Comte

Lauréate du prix Women In Motion initié par Kering, Ishiuchi Miyako (née en 1947) livre un récit intime où se mêlent nostalgie personnelle et pathos collectif. Après la disparition de sa mère, l’artiste japonaise a photographié ses objets utilisés, portés à travers les années, la laissant accéder à une proximité jamais perçue jusqu’alors ; “tandis que je photographiais ses affaires, il m’a semblé que la distance entre nous se réduisait peu à peu. Chacune des choses qui touchaient directement ma mère était comme une partie de sa peau, et j’en vins à ressentir par procuration ces parties de son corps.”, indique-t-elle. Une manière sensible d’attribuer à la photographie son plein rôle de médium, entre sujet et objet, photographe et modèle, présent et passé. 

Ishiuchi Miyako, Mother’s #35, série “Mother’s”. Courtesy de l’artiste et de The Third Gallery Aya.

Rajesh Vora à la Maison des peintres

Avec “Baroque du quotidien (2014-2019)”, le photographe Rajesh Vora (né en 1954) déplie une série de clichés pris au Pendjab, où les habitants exposent sur les toits de leurs maisons, différents objets statuaires inspirés de l’imagerie contemporaine. Entre produits de consommation, références populaires et trophées ornementaux, ces icônes “rappellent à la société leurs luttes, leurs réussites et leur prospérité”. Vora a traversé plus de 6000 kilomètres dans le pays pour photographier ces symboles vernaculaires, témoignant de la disneylandisation de ces villes indiennes. 

Rajesh Vora, Village de Kandola Kalan, district de Jalandhar, Punjab, 2015. Courtesy de l’artiste et de PHOTOINK.

Marine Lanier au Jardin d’été

Diplômée de l’École Nationale supérieure de la Photographie d’Arles, Marine Lanier (née en 1981) a séjourné au jardin du Lautaret, le plus haut d’Europe, en face des glaciers de la Meije. Entourée de botanistes, chercheurs et scientifiques, elle a pu expérimenter les pratiques engagées en faveur d’une meilleure compréhension de l’environnement : “Il m’est apparu que ce ‘jardin-laboratoire’ était à l’image du combat d’Hannibal : un bastion de résistance de notre monde contemporain face au changement climatique. […] Une tradition d’échange de graines entre botanistes du monde entier existe depuis deux cents ans pour enrichir le jardin et ceux d’autres contrées, dans la volonté de préserver la mémoire vive de nos espèces et de notre évolution.”, précise-t-elle. Ainsi, entre portraits et fragments naturels, ses photographies quasi fantastiques rendent-elles compte d’une vision mystique de ce lieu préservé de l’impact humain et du temps.

Marine Lanier, L’Herbier #2, 2023, série “Le Jardin d’Hannibal”. Courtesy de l’artiste et de l’Espace Jörg Brockmann. Grande Commande Photojournalisme.

“Heaven and Hell” à l’église Saint-Blaise 

À la croisée de la photographie, de la performance et de l’installation, la pratique de Nhu Xuan Hua et Vimala Pons met en scène la définition identitaire par le biais d’icônes féminines, extraites de fictions ou de faits réels. En multipliant les niveaux de narration, le duo brasse différents mythes populaires et renie l’objectification du corps : ici, c’est l’action qui, figée, domine. “‘Heaven and Hell’ est une collection de fragments de toutes ces maisons où nous avons trouvé abri, de toutes celles que nous avons aussi rêvé habiter, dont les murs ici rompus révèlent les récits de réalités transformées. Dans ce lieu de confort et d’inconfort, les objets sont comme des parties du corps qui portent les souvenirs.”, soulignent-elles.

Nhu Xuan Hua et Vimala Pons, Partir Loin, Échouer, 2024. Courtesy des artistes.

“Au nom du nom” à l’église Sainte-Anne

De Miriam Cahn à Melchior Tersen comme d’Ari Marcopoulos à Pablo Tomek, le graffiti n’a jamais cessé d’infuser la création contemporaine. “Libéré de son esthétique, le graffiti est un rapport mental et physique des marges, une écriture originelle des ombres de la préhistoire et de l’enfance. Depuis les signes des hobos et ceux qui évangélisaient la carcasse du métro argent de New York depuis 1970, le graffiti est une écriture cinétique, elle emprunte les perspectives des rails qui lacèrent les pays-sages.”, s’exprime Hugo Vitrani, commissaire de l’exposition. Appuyant la dimension urbaine, citadine, de cette pratique, les photographies exposées oscillent entre épisodes documentaires, archives intimes et témoins d’époques vibrantes.

Jamel Shabazz, The Righteous Brothers, New York, 1981. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Bene Taschen, Cologne.

 


Les Rencontres de la photographie d’Arles
Jusqu’au 29 septembre 2024
rencontres-arles.com


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