Après une saison consacrée à la photographie, La Fab. célèbre la peinture figurative contemporaine, autre axe fort de la collection d’agnès b. En rassemblant une quarantaine d’artistes, de générations et de nationalités diverses, l’exposition illustre l’évolution de ce médium au fil des décennies et livre en creux le portrait d’un goût singulier.
“Il y a deux sortes de collectionneurs”, disait Sacha Guitry, “celui qui cache ses trésors et celui qui les montre”. On est placard ou bien vitrine. Incontestablement, agnès b. penche pour la seconde, et cet été, ce sont les peintres qu’elle place sous les projecteurs de La Fab., son espace d’exposition. Des premières œuvres des Frères Ripoulin, ce collectif d’artistes affichistes découvert sur les murs des rues parisiennes dans les années 1980, aux récentes toiles de plus jeunes peintres comme Simon Martin, Jean Claracq ou encore Thibault Bouedjoro, en passant par les figures aujourd’hui incontournables de la scène africaine que sont Chéri Samba, Pierre Bodo et Amadou Sanogo, le nouveau parcours consacré aux œuvres de la collection offre en effet un échantillon particulièrement riche de la diversité des pratiques picturales défendues depuis plus de quarante ans par la créatrice et mécène, tant en termes de supports, de sujets que d’esthétiques. Dans ce vaste ensemble regroupant une quarantaine d’artistes, la figure humaine occupe une place centrale, semblant même tirer un fil rouge dans les choix de la collectionneuse. Souvent représentée isolée, à demi effacée, fragile dans son apparition, comme c’est le cas dans les œuvres d’Harmony Korine ou de Simon English, elle se fait tantôt le vecteur d’un discours engagé, teinté de critique sociale et politique, tantôt l’émanation d’un questionnement plus poétique et métaphysique sur notre condition humaine. L’esthétique du collage paraît également récurrente, ainsi qu’un goût pour l’association de formes classiques et de références populaires à la musique, au cinéma, sans oublier la mode.
Le point fort de l’exposition ? Son accrochage, conçu par affinités formelles, thématiques et/ou géographiques. Ainsi, l’œil glisse d’une œuvre à l’autre avec plaisir et sans accroc, en suivant les liens qui se tissent entre elles. Le visiteur passe par exemple des portraits de bébés et de jeunes filles de Claire Tabouret à un petit portrait d’enfant de Loulou Picasso, puis d’un grand format rejouant la formule canonique d’une Annonciation et signé de la même Loulou Picasso (Sans titre, 1988) à un autre décor d’Annonciation de Claire Nicolet, vidé cette fois de ses personnages et que l’on aperçoit simultanément un peu plus loin dans la salle (D’après l’Annonciation du couvent de San Marco par Fra Angelico vers 1450, 2020), tandis que, derrière nous, le bleu nocturne d’un paysage de Bruno Gadenne (La Confluence, 2017) répond au gris bleuté mystique de ces deux revisitations de scènes religieuses. Malgré quelques analogies trop évidentes (ainsi de la mise côte à côté des œuvres de Mathilde Lestiboudois et d’Hervé Priou, dont la trop grande similitude empêche de distinguer la singularité de chacun), l’ensemble se tient parfaitement et les sections s’enchaînent avec une grande sensibilité. Un goût sûr se dessine et, en creux, le portrait de celle qui nous en offre un aperçu.
Mais alors, c’est quoi le style agnès b. ? Si la mélancolie l’emporte, avec souvent, tout de même, une pointe d’humour ou de décalage, ce qui caractérise le plus son goût demeure la liberté de ton, l’engagement et l’éclectisme. Surtout, l’on décèle un œil d’amatrice détachée des effets de mode ou de marché, dont la collection ne manque pas de belles (re)découvertes et qui continue inlassablement de soutenir la jeune création, avec toujours la même curiosité et la même générosité. •
Exposition “La peinture figurative contemporaine”
Jusqu’au 27 octobre 2024 at La Fab.
Place Jean-Michel Basquiat – 75013 Paris
la-fab.com