Artiste affranchi de toute contrainte créative, Louis Lekien (né en 1998) explore par la photographie et la performance ce qui fait l’entre-deux d’une image. Sa dernière exposition présentée à Bruxelles en mai dernier évoquait la poésie du lâcher-prise à travers des tirages analogiques grand format, invitant à plonger dans une pure abstraction.
Quel est le propos de votre projet « Entre deux pas » ?
Louis Lekien : « Entre deux pas » est une tentative d’arrêt du temps. J’y présente les traces de ma performance “entre deux”. Sublimées par le tirage analogique, ou purement à nu, négatif. Elles ont été présentées à Bruxelles en mai dernier pour la première fois à la lumière du jour, dans un contexte où le calme règne, et où j’espère qu’une respiration différente soit possible.
Comment avez-vous développé votre pratique depuis vos débuts en tant que réalisateur ?
Louis Lekien : La découverte de la pellicule a été très importante dans mon parcours. Dans un premier temps, son coût réduit les possibilités, et cela m’a amené à réfléchir, à prendre des décisions. Ensuite, la beauté qui vient des erreurs de la caméra, au-delà de mon contrôle, m’est apparue comme une évidence. Cela a réveillé une envie profonde d’effacer toute narration, toute figuration. Un besoin de plonger dans un infini au-delà du langage. Mettre en lumière la lumière elle-même. À la fois curieux et obsessionnel, je me demande à quoi ressemblerait la plus belle des erreurs. Ce qui me mène à ce travail, où j’ai eu la chance de répondre à cette question en utilisant la meilleure caméra qui puisse exister, une 70mm IMAX.
Votre pratique s’articule autour de « l’entre-deux » d’une image. À quoi fait allusion cet espace insaisissable ?
Louis Lekien : L’entre-deux est à la fois un espace, où, hors de mon contrôle, se pose la lumière. Mais aussi, et surtout, une temporalité insaisissable dans laquelle nous sommes. Cette tentative d’arrêt du temps cherche à rassembler le corps et l’esprit dans l’entre-deux, le présent, pour un moment de pure contemplation.
Comment impliquez-vous la présence corporelle dans vos œuvres ?
Louis Lekien : L’utilisation de mon propre corps est évidemment présente dans la production des œuvres, du déclenchement de la caméra à l’ouverture du clapet par lequel la lumière passe. Mais aussi en chambre noire : mes mains dansent entre l’ampoule et le papier sensible, permettant de sublimer au mieux la densité, la couleur, initialement présente sur les négatifs. Ce qui m’intéresse le plus en rapport au corps, c’est le corps de l’autre, celui du spectateur. Mes œuvres étant brillantes, elles peuvent, selon les conditions, être un vrai miroir. C’est alors que chaque silhouette fait partie intégrante de l’œuvre, elle est actrice. Un jeu de regard et de compréhension se crée entre ce qui est œuvre et ce qui est reflet. Et lorsque le moment de grâce se présente et que le jeu est fini, le reflet de soi est oublié, on peut plonger dans l’infini de ce qu’elle nous fait voir.
De quelle manière définiriez-vous votre esthétique ?
Louis Lekien : J’espère que mon esthétique va pouvoir évoluer tout au long de ma vie pour être toujours au second plan, au service d’un propos. Je veux pouvoir être attentif à toute beauté qui pourrait émaner d’une chose inattendue. Si je mets des mots sur mon « style » , j’ai peur de passer à côté de magnifiques choses qui pourraient arriver en dehors de ce scope. L’observation d’une image doit selon moi permettre de ressentir une émotion. Peu importe laquelle. Ce que j’essaye d’amener, c’est un infini de possibilités, une vibration, un voyage. Que chaque personne puisse y voir ce qu’il ou elle a besoin d’y voir. •
Louis Lekien
louislekien.com

Vue de l’exposition « Entre deux pas » de Louis Lekien, Bruxelles, mai 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Louis Lekien.

Louis Lekien, SANS TITRE (70mm) (détail), 2025, série « Entre deux », darkroom handprint, 1/1, 195 × 245 cm. Courtesy de l’artiste.

Louis Lekien, SANS TITRE (70mm) (détail), 2024, série « Entre deux », darkroom handprint, 1/1, 195 × 245 cm. Courtesy de l’artiste.

Louis Lekien, ENTRE DEUX, 2024, archive de la performance, IMAX headquarters LA. Courtesy de l’artiste.

Vue de l’exposition « Entre deux pas » de Louis Lekien, Bruxelles, mai 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Louis Lekien.

Vue de l’exposition « Entre deux pas » de Louis Lekien, Bruxelles, mai 2025. Courtesy de l’artiste. Photo : Louis Lekien.