Par Laëtitia Toulout
EXPOSITION // Extase… Le ton de l’exposition est donné dès son titre, car c’est effectivement de manière extatique, sans borne, que les dessins et aquarelles de Thomas Huber prennent possession de l’espace du Centre Culturel suisse, et ce jusqu’au 2 avril 2017.
L’artiste semble s’être donné à cœur joie du lieu qui lui a été confié comme carte blanche, peignant de grands monochromes et y dessinant à même les murs, ou proposant de mystérieux ensembles d’aquarelles de tailles plus modestes. La matière picturale s’empare alors de l’espace, de même que ce dernier prend possession des diverses peintures : pour cette exposition in situ, Thomas Huber a en effet représenté la salle d’exposition dans ses œuvres, ce qui lui permet d’imaginer sans limite scènes et installations. À la manière d’une mise en abyme, il paraît peindre ou dessiner l’immatériel, l’inaccessible, le divin. La salle, qui, outre les dessins et peintures, est laissée vide, devient lieu des possibles ; elle matérialise l’essence de l’œuvre. L’imagination et le désir prennent ainsi corps au fil de représentations bidimensionnelles, qui s’attribuent des airs de plans ou de projections futuristes.
Dômes vaginaux et corps sans sexe aux couleurs rares et pâles forment une ambiance empruntée aux univers de science-fiction. Huber joue sur les inverses, les contraires, qu’il confronte et mélange. Sont ainsi représentés le dôme et son creux, le positif et son négatif, tandis que la vulve devient prégnante. Celle-ci, véritable fontaine, inonde littéralement l’espace. L’eau, qu’elle s’écoule ou qu’elle stagne, renvoie à l’organique, au sensuel. La sexualité est transcendée, sans limite, et elle prend une dimension nouvelle : les organes dévorent le papier, se détachent des corps, exacerbés au sein d’une indépendance nouvelle. L’enveloppe corporelle et les autres organes deviennent superflus, les sexes s’unissent et ne font plus qu’un : un cône évidé et apposé de plusieurs vulves-fontaines dont l’image se reflète dans leur propre eau. Le jeu des miroirs et des transpositions est ultime. Chaque élément devient un tout, se reflétant en lui-même, témoin de sa propre représentation.
L’extase est à la fois l’orgasme féminin, célébré en véritable divinité, qui brise les tabous, expose et explose son existence. Mais c’est aussi l’extase artistique de l’éventuel spectateur dans son rapport contemplatif à un ensemble d’œuvres avec lequel l’artiste joue malicieusement sur plusieurs niveaux. //
Exposition Extase de Thomas Huber
Jusqu’au 2 avril 2017 at Centre Culturel Suisse
32-38 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris
www.ccsparis.com