Alors que sa première exposition personnelle en France s’ouvre chez Perrotin à Paris, GaHee Park (née en 1985, Corée du Sud) revient sur l’essence même de son travail : une signature picturale constituée d’une pluralité de détails, enveloppant le corps dans une atmosphère surréaliste.
- Dans votre travail, les dualités sont très présentes : on trouve des hommes et des femmes, de la douceur et de l’obscurité… Vos pièces oscillent entre un “paradis perdu” et des détails incisifs. Définiriez-vous vos peintures et vos dessins plutôt comme des rêves ou des cauchemars ?
GaHee Park : Ces types de dualités, ces différents pôles, sont importants dans mon travail. C’est en partie parce qu’ils représentent des contrastes forts que j’arrive à créer cet aspect dramatique que j’aime tant, tout en suggérant une sorte de narration, ou même de mélodrame avec beaucoup d’émotions, d’idées, de tons et de couleurs. Je perçois mes peintures et mes dessins plutôt comme des songes. Parce qu’ils sont ambigus, irrésolus, et marquent toujours les esprits.
- La féminité exacerbée dont vos toiles rendent compte est-elle une manière pour vous de répondre à l’image du “sexe faible” toujours stigmatisé aujourd’hui ?
GaHee Park : Là où j’ai grandi, une certaine partie de la société coréenne était très patriarcale et sexiste. Très tôt, “faire de l’art” était pour moi une manière de canaliser mes frustrations et ma colère à ce sujet. Et bien sûr, le sexisme n’a pas disparu en Corée et aux États-Unis, et j’y réponds donc toujours d’une certaine manière dans mon travail. Quand j’étudiais l’art à l’université – tant en Corée qu’en Amérique -, je suis devenue davantage consciente que l’histoire de l’art qu’on nous enseignait était massivement masculine. Je ne pouvais donc ignorer le fait que peindre et essayer de m’exprimer m’ancrait dans une histoire dans laquelle je ne pouvais rentrer. Il y a quelque chose d’absurde et de ridicule dans cette situation, et j’essaye d’en rendre compte de manière satirique, parfois à travers une imagerie grotesque et exagérée.
- Cette imagerie comporte une quantité inattendue de détails, à forte valeur symbolique. Que représentent-ils pour vous ?
GaHee Park : Ce qui me mène à intégrer ce type de détails peut provenir de quelque chose à laquelle je pense pour la composition même de l’œuvre ou pour des raisons thématiques, ou bien simplement pour créer une certaine atmosphère, humoristique notamment. Il y a également beaucoup de références à l’histoire de l’art aussi dans mon travail, et cela apparaît parfois comme des détails troublants. […] Ils peuvent aussi avoir une visée politique, et dans ce sens-là, oui, c’est symbolique. Mais je laisse toujours ces détails libres d’interprétation au regardeur.
- Par les scènes que vous créez, vous êtes aussi proche du surréalisme. Comment assumez-vous cette influence esthétique ?
GaHee Park : Beaucoup de livres, de films et d’œuvres qui m’ont influencée détiennent une part de surréalisme. Ce dernier a tellement été absorbé par notre culture aujourd’hui qu’il est compliqué de ne pas en être inspiré… Mais il est vrai que j’aime particulièrement la manière dont les artistes de cette mouvance ont pu développer un travail à la fois politique, mystérieux, sensible et drôle. Et je pense que beaucoup d’artistes femmes contemporaines en sont toujours inspirées aujourd’hui. •
Exposition “Too Early After All” by GaHee Park
Jusqu’au 30 septembre 2021 at Galerie Perrotin
76, rue de Turenne 75003 Paris
www.perrotin.com