Cristof Yvoré, natures mornes

Par Laëtitia Toulout

EXPOSITION // Le FRAC Auvergne rend hommage à Cristof Yvoré en présentant des peintures naïves, sombres, radicales. Si l’aspect narratif s’ouvre à l’imaginaire du visiteur, le ton morne de ses natures mortes rendent compte d’une technique matérialiste, explorant le champ du lugubre. Une exposition sous le signe de la mélancolie, où les toiles du peintre disparu en 2013 imprègnent le silence.

L’exposition monographique de Cristof Yvoré au FRAC Auvergne nous transporte dans un monde tout en sobriété. Une vase, des fenêtres, un rideau de bureau, des façades géométriques, des feuilles d’automne et des fleurs fanées… Les sujets choisis sont simples voire anodins, issus du plus basique des quotidiens. C’est alors la fébrilité du trait, la densité de la pâte picturale, le choix de couleurs pâles ou saturées, déjà passées, qui font parler et vibrer les tableaux — miroirs picturaux d’une mélancolie intense et renvoyée au regardeur, sans artifice. Parmi les objets, parfois, se glissent des figures dans les sujets : c’est le cas d’un corbeau au plumage comme un déguisement, corbeau déchu ou danseur macabre.

Si le quotidien est rejoué, c’est pour en sortir ; aller au-delà, aux lisières de l’âme, de la poésie, de la mort parfois. La peinture nous détache du réel et nous laisse succomber à une nostalgie chaleureuse ou une tristesse douce. Les tableaux paraissent de prime abord froids, dégarnis : mais au fil de l’exposition, on rentre dans l’œuvre d’Yvoré, et c’est comme une plongée lente et discrète dans l’âme même de l’artiste. Les émotions se rejoignent dans une douce symphonie. La peinture dépasse toute temporalité : ne reste que la matière, lourde, un peu gauche, dans l’éternité. Le corbeau ne pourra en effet jamais s’envoler et les fleurs dans les pots, sont fanées à perpétuité. La mort en suspense, comme un fantôme, une virgule, une autorisation à se fondre à jamais dans la mélancolie et accepter avec l’art, la finitude de la vie.

Les pots sont lourds, et les vases, arrondis. De pièce en pièce, dans l’espace en enfilade du FRAC Auvergne, l’émotion se tapisse. Pas de théorie ni de grand propos ici, mais plutôt une urgence d’extérioriser, au fil des années, l’invisible, sonder les profondeurs — l’intériorité — chercher à capter et captiver l’intensité. C’est en fait le jeu de l’œil et du cœur, cœur battant et regard intérieur. On peut encore sentir l’odeur de la peinture dans les espaces de l’exposition : c’est comme discerner dans une silhouette imaginaire la présence de Cristof Yvoré à nos côtés ; peintre dans l’immortalité. //


Exposition « Pots, lapin, fenêtres, fleurs » by Cristof Yvoré
Jusqu’au 19 janvier 2020 at FRAC Auvergne
6 rue du Terrail 63000 Clermont-Ferrand
www.frac-auvergne.fr


Vue de l’exposition de Cristof Yvoré “Pots, lapin, fenêtres, fleurs” at FRAC Auvergne © Ludovic Combe

Vue de l’exposition de Cristof Yvoré “Pots, lapin, fenêtres, fleurs” at FRAC Auvergne © Ludovic Combe

Vue de l’exposition de Cristof Yvoré “Pots, lapin, fenêtres, fleurs” at FRAC Auvergne © Ludovic Combe

Cristof Yvoré, Le tapis d’Edward, 1993, collection privée © FRAC Auvergne

Cristof Yvoré, Sans titre, 2013, collection privée © FRAC Auvergne

 

Cristof Yvoré, natures mornes
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