Au SHED, le pop réinventé

Au sein de ses deux espaces d’expositions, le SHED et l’Académie, le centre d’art contemporain situé en région rouennaise accueille deux propositions orientées vers le détournement de l’objet du quotidien. 

Centre indépendant dédié à l’art contemporain depuis 2015, le SHED offre cet automne deux expositions autour de l’objet, interprété à travers la sculpture et l’installation. Dans son premier espace éponyme, c’est le duo rouennais Bertran Berrenger qui s’empare de l’ancienne usine de mèches de bougies, en y formulant un esprit d’atelier. Et pour cause : “Chaque installation apparaît comme un collage de données dont le degré d’achèvement reste flou et la facture plutôt minimale. Une sorte de minimalisme sale. Un terrain de jeu sans règles, une sorte d’énigme qu’il s’agirait de résoudre”, décrit Jean-Paul Berrenger, l’un des membres du duo. Les objets qui ponctuent l’exposition “Ranger” — chaussures, bois, lunettes, marteau, cartons… —, sont effectivement extraits de l’atelier et résultent d’une sélection, d’un  tri, destiné à extraire ces contenus ordinaires, ici exposés et associés entre eux avec humour.

En parallèle, à quelques pas du SHED, l’Académie offre à l’artiste française Anita Molinero (née en 1953) l’opportunité d’y présenter un ensemble de pièces significatives de sa pratique. Intitulée “Dérangée”, son exposition fait un pied de nez à celle de Bertran Berrenger et l’on comprend vite pourquoi : ici, c’est un chaos coloré, maîtrisé, esthète, qui prend forme. Au mur, au sol comme au plafond, les objets-sculptures de la plasticienne semblent crier une fable contradictoire associant une certaine douleur, due à la déformation, et une joie exacerbée, par les couleurs vives qui sautent aux yeux. Cette ambiguïté imprègne son lot de poubelles, de bennes et de “fonds de cuves” défigurés, à l’image d’un agglomérat de deux phares de voiture, accrochés là, en ligne, au milieu d’autres rebuts dont la nature est moins identifiable.

À elles deux, les deux nouvelles expositions du SHED signent une poésie contemporaine de l’objet ordinaire, et par extension, du “pop”. Sublimées par des mises en espace détournées et des signatures propres aux artistes exposés, elles rendent compte d’une double perception, à la fois complémentaire et opposée, de la façon dont s’envisage l’objet populaire. •


Expositions “Dérangée” et “Ranger”
Jusqu’au 14 novembre 2021 au SHED et à l’Académie
12, rue de l’Abbaye 76960 Notre-Dame de Bondeville
et 96, rue des Martyrs de la Résistance 76150 Maromme
le-shed.com


Vue de l’exposition « Ranger, Bert Berren » de Bertran Berrenger au SHED, 2021 © Marc Domage

Bertran Berrenger, Quatre, vingt et un, 2021, exposition « Ranger, Bert Berren » de Bertran Berrenger au SHED, 2021 © Marc Domage

Vue de l’exposition « Ranger, Bert Berren » de Bertran Berrenger au SHED, 2021 © Marc Domage

Bertran Berrenger, Détail, 2021, exposition « Ranger, Bert Berren » de Bertran Berrenger au SHED, 2021 © Marc Domage

Anita Molinero, Sans titre de la mort, 2015, exposition « Dérangée » à L’Académie, 2021 © Marc Domage – Courtesy de l’artiste et de la galerie Thomas Bernard © Adagp, Paris, 2021

Anita Molinero, La Grosse Bleue (quatrième version), 2019, exposition « Dérangée » à L’Académie, 2021 © Marc Domage – Courtesy de l’artiste et de la galerie Thomas Bernard © Adagp, Paris, 2021

Vue de l’exposition « Dérangée » d’Anita Molinero à L’Académie, 2021 © Marc Domage – Courtesy de l’artiste et de la galerie Thomas Bernard © Adagp, Paris, 2021

Anita Molinero, Sans titre (phare), 2010, exposition « Dérangée » à L’Académie, 2021 © Marc Domage – Courtesy de l’artiste et de la galerie Thomas Bernard © Adagp, Paris, 2021

Au SHED, le pop réinventé