Première exposition collective de Reiffers Art Initiatives, « DES CORPS LIBRES – Une jeune scène française » investit le Studio des Acacias jusqu’au 28 mai. À travers les œuvres de quinze artistes, l’espace propose une expérience immersive à travers la figuration, qui induit les visiteurs dans une réflexion sur le statut contemporain des corps.
Que ce soit par une présence flagrante, une absence, une modification numérique ou une évocation par symboles, le corps s’impose comme protagoniste universel autour duquel s’organise l’exposition. Chacun des artistes invités ici possède son propre médium, ses propres techniques, et imprègne ses œuvres de son héritage, de son style singulier et de son approche personnelle du sujet.
Dans « DES CORPS LIBRES », les œuvres ne sont pas compartimentées par artiste dans un mode de présentation traditionnel ; elles sont mélangées, en dialogue constant et se complètent les unes entre les autres, attribuant à l’exposition un rôle d’installation globale – proposant ainsi une expérience plus riche, de sorte holistique.
En entrant dans le Studio des Acacias, les premières œuvres que l’on rencontre posent déjà astucieusement les bases du propos de l’exposition. La pièce est presque totalement sombre, et en conséquence, nous regardons instinctivement une vidéo projetée sur un mur, œuvre de Tarek Lakhrissi, Spiraling (2022). Ce film nous hypnotise instantanément : on commence par voir une danseuse de pole dance qui spirale de manière envoûtante autour d’une barre tandis que nous entendons le récit poétique d’une histoire de Lakhrissi. Avec un aspect cinématographique assumé, se renforce un sentiment d’immersion par l’utilisation d’un travelling dans lequel des traces sont visibles, non seulement par le mouvement de la caméra qui avance vers la danseuse jusqu’à obtenir un gros plan de son corps, mais aussi par les lignes de l’architecture définissant l’espace où elle est placée.
Accompagnant cette œuvre forte et illuminant faiblement le lieu, une petite pièce de Salomé Chatriot, Morphogenetic Egg (Gestation) (2021), fonctionne parfaitement à l’unisson. Cette œuvre joue avec des réactions corporelles opposées, à la fois séduisante et repoussante, rappelant simultanément des formes organiques et posthumaines. Elle émet une lumière douce et chaude et, grâce à sa texture et à ses formes tendres, elle semble très naturelle, alors qu’une fois que nous nous approchons, complètement captivés, nous découvrons que des distorsions révèlent une atmosphère spectrale.
En passant par un petit patio lumineux, nous rejoignons le cœur du group show où les pièces s’entremêlent. L’une d’elle est celle de Pol Taburet, lauréat 2022 du prix Reiffers Art Initiative. Ses peintures colorées à grande échelle, riches de symboles et de références folkloriques, reflètent ses origines et son héritage culturel dont il se sert pour créer de nouvelles significations. En plus de manifester des dénotations internes, des motifs comme la figure du chien sont évoqués dans des œuvres à côté de celles de Taburet, comme la peinture de Jean Claracq – Homme avec son chien (2021) – contribuant ainsi de nouveau à la cohésion de l’exposition et à la fluidité de la transition et du dialogue entre les artistes
Dans cette même veine, le reste des œuvres exposées s’imbriquent entre elles, et s’ajoutent au récit porté par l’exploration des transformations et des hybridités des corps. Qu’il s’agisse d’œuvres vidéo comme celles de Valentin Ranger, Sara Sadik ou Salomé Chatriot, d’œuvres sculpturales ou d’installations comme celles de Chalisée Naamani, Kenny Dunkan, Manon Wertenbroek ou du duo formé par Julie Villard & Simon Brossard, de peintures et/ou de photographies comme celles de Gaspar Willmann, Sophie Varin, Ben Elliot ou Ymane Chabi-Gara, les compréhensions et représentations statiques, cloisonnées du corps sont contestées à travers elles afin de célébrer sa fluidité, sa diversité et sa capacité à être réinventé. La technologie joue également un rôle important dans l’ensemble de l’exposition, ajoutant une note fantomatique, voire apocalyptique, qui est conventionnellement comprise comme dichotomie du caractère organique et naturel associé à l’essence même du corps humain. •
Exposition « DES CORPS LIBRES
– Une jeune scène française »
Jusqu’au 28 mai 2022 at Studio des Acacias
30, rue des Acacias 75017 Paris
reiffersartinitiatives.com